Annexe 5. Les exorcismes dans les Dialogues de Grégoire le Grand

Textes edités dans : Grégoire le Grand, Dialogues, éd. A. de Vogüé et P. Antin, Paris, Cerf, 1979 (SC 251, 260, 265).

Le possédé et l'action du diable sur lui L'exorcisme et la guérison
Texte 1
I, 4, 7
(p. 43-45)
saint Equitius
Une moniale mange une laitue sans la bénir , elle est saisie (arrepta) et renversée par le diable.
"Qu'ai-je fait, moi ? Qu'ai-je fait, moi ? Je m'étais assis sur une laitue. La voilà qui arrive, elle m'a mordu !"
"Indigné, l'homme de Dieu lui enjoignit de déguerpir"
"il s'en alla sur le champ, et désormais n'eut plus le pouvoir de la toucher"
Texte 2
I, 10, 2-5
(p. 95-97)
saint Fortunat



La veille de la dédicace d'une chapelle, une femme commet le péché de la chair avec son mari. "Mais dès que les reliques de saint Sébastien firent leur entrée dans la chapelle, l'esprit méchant se saisit (d'elle) et devant tout le monde se mit à la tourmenter (uexare coepit)".
Fortunat était "fort d'une immense puissance pour mettre en fuite les esprits. Parfois, il chassait des légions de démons hors des possédés (ab obsessis corporibus), et absorbé par le zèle d'une prière perpétuelle il triomphait de leur multitude qui s'opposait à lui."
"Le prêtre de la chapelle (…) prit une nappe de l'autel et l'en couvrit ; mais lui-même le diable l'envahit, et parce qu'il avait voulu forcer son talent, il dût reconnaître ce qu'il valait en se voyant ainsi maltraité (in sua uexatione)."
La famille la livre ensuite aux magiciens, mais "quand un démon unique fut chassé d'elle par des artifices pervers, aussitôt une légion fit irruption en elle. Dès lors elle sursauta par autant de mouvements (tot motibus agitari), elle vociféra autant de paroles et de cris (tot uocibus clamoribusque perstrepere), qu'il y avait d'esprits pour la posséder.
"A ce moment, après s'être consultés, ses parents reconnurent leur faute contre la foi, la conduisirent au vénérable évêque Fortunat et la lui confièrent. Il l'hospitalisa et se mit en prière plusieurs jours et plusieurs nuits. Il s'appliqua à prier avec d'autant plus de soin qu'il trouvait contre lui dans un seul corps, le front de bataille de toute une légion. Après quelques jours, il la rendit aussi saine et sauve que si le diable n'avait jamais exercé sur elle un droit de propriété"
Texte 3
I, 10, 6
(p. 97-99)
saint Fortunat




"Ohé le saint évêque Fortunat ! Voilà ce qu'il a fait : il a chassé de chez lui un pèlerin. Je cherche où me reposer, et dans sa ville je ne trouve rien."
Par curiosité, un père de famille invite l'homme chez lui.
"Comme on bavardait, l'esprit méchant envahit le jeune enfant (malignus spiritus inuasit) et le jeta sur les braises, où il le fit mourir tout de suite".
"Une autre fois, le saint serviteur de Dieu tout-puissant chassa d'un homme l'esprit immonde (ex obsesso quodam homine inmundum spiritus excussit). Cet esprit mauvais, au soir tombant, choisit l'heure désertée des hommes et déguisé en voyageur, se mit à déambuler par les rues de la ville en criant :
Texte 4
II, 4, 1-3
(p. 151-153)
saint Benoît
Un moine ne peut rester à la prière et part sans cesse en escapades.
"L'homme de Dieu vint donc et, à l'heure dite, la psalmodie terminée, les frères se mirent en prière. Alors il aperçut un petit moricaud (niger puerulus) tirant dehors par la frange de son vêtement le moine qui ne pouvait tenir en place durant la prière."
Benoît demande à Pompeianus le Père du monastère et à Maur s'ils voient quelque chose, ils disent que non.
"Prions, reprit Benoît, pour que vous puissiez voir de qui le frère emboîte le pas". Après deux jours de prière Maur l'aperçut, mais Pompeianus ne put le distinguer.
"Le jour suivant, après la prière, l'homme de Dieu sortit de la chapelle et trouva le moine installé dehors. C'était un cœur tout aveuglé. Benoît le frappa de son bâton, et dès lors le frère n'éprouva plus la suggestion du petit noiraud (nigro puerulo). Il demeura sans bouger, occupé à prier. Et voilà comment le vieil adversaire n'osa plus attenter à son imagination : on eut dit qu'il avait reçu le coup lui-même."
Texte 5
II, 16, 1-2
(p. 185-187)
saint Benoît
"A cette époque, un clerc de l'Eglise d'Aquin était tourmenté par le démon (daemonio uexabatur). Le vénérable Constance, évêque de cette ville, l'avait envoyé à de nombreux sanctuaires de martyrs pour qu'il pût être guéri (ut sanari potuisset), mais les saints martyrs ne voulurent pas lui faire don de la santé pour montrer ce qu'il y avait de grâce en Benoît."




Le clerc tient compte des prescriptions du saint.
"Mais au bout de plusieurs années (…) il négligea les paroles de l'homme de Dieu, comme oubliées en raison du long temps écoulé, et il accéda à un ordre sacré. Aussitôt le diable qui l'avait laissé le saisit (uexari) et ne cessa de le torturer jusqu'à ce qu'il eût rendu l'âme."





"Il fut donc conduit au serviteur de Dieu tout-puissant Benoît qui, en priant le Seigneur Jésus-Christ avec effusion, expulsa (expulit) sur-le-champ le vieil adversaire de cet homme possédé (de obsesso homine). Après la guérison, il lui donna cette ordonnance : "Va et après cela ne mange plus de viande. Ne te permets pas d'accéder à un saint ordre. Le jour où tu te permettras de profaner un ordre sacré, aussitôt tu redeviendras esclave du diable".
Texte 6
II, 30, 1
(p. 221)
saint Benoît
"L'esprit mauvais avait trouvé un vieux moine puisant de l'eau. Il entra en lui sur-le-champ (ingressus est), le jeta par terre et le tourmenta (uexauit) très violemment. L'homme de Dieu rentrant de la prière vit qu'il était tourmenté bien cruellement (crudeliter uexari)." "Il se contenta de lui donner un soufflet. Cela chassa aussitôt l'esprit mauvais, qui par la suite n'osa plus revenir".
Texte 7
III, 4, 1-3
(p. 271-273)
saint Datius
Datius, évêque de Milan, sur la route de Constantinople s'arrête à Corinthe où il cherche où loger. La maison qu'il trouve est infestée de démons. Ils font les cris des animaux. "Alors Datius, éveillé en sursaut pas tant de cris d'animaux, se leva très irrité et se mit à clamer à grands cris contre le vieil adversaire : "Tu n'as que ce que tu mérites, misérable ! Tu es celui qui a dit : Je siégerai à l'Aquilon et serai semblable au Très-Haut. Voilà que par ton orgueil tu es devenu semblable aux porcs et aux souris. Toi qui as voulu imiter Dieu indignement, voilà que tu imites les bêtes, comme tu en es digne."
A ces mots, l'esprit malin rougit de son abjection."
Texte 8
III, 6, 2
(Manque p. 277)
saint Cassius
  "L'homme du Seigneur, après une prière, expulsa d'un signe de croix le diable (signo crucis expulit), qui n'osa plus revenir en cet homme"
Texte 9
III, 14, 3
(p. 305)
saint Isaac
Saint Isaac, saint Syrien, pratique la prière debout toute la journée à Spolète. L'un des gardiens de l'église s'en prend à lui : "il se mit à traiter Isaac d'hypocrite, à crier que c'était un imposteur, comme on dit vulgairement, qui s'exhibait en prière des trois jours et des trois nuits en spectacle pour les gens. Il se précipita pour frapper l'homme de Dieu d'un soufflet, afin qu'il sortît de l'église en perdant la face comme un simulateur de la vie religieuse. Mais aussitôt, un esprit justicier envahit le gardien (inuasit) et le jeta aux pieds d'Isaac en criant par sa bouche : "Isaac me chasse ! Isaac me chasse !" Cet étranger, personne ne savait son nom, mais cet esprit le livra en criant par qui il pouvait être chassé." "Dès que l'homme de Dieu se coucha sur le corps du torturé (uexati corpus), le méchant esprit qui le possédait (inuaserat) s'éloigna."
Texte 10
III, 21, 2-3
(p. 353-355)
saint Eleuthère
Eleuthère se rend auprès d'une jeune moniale qui s'est engagée dans la vie religieuse contre l'avis de son père et qui est déshéritée hormis un demi-arpent de terre.
"Soudain arriva, muni d'un cadeau, un paysan de ce lopin de terre d'un demi-arpent qu'elle avait reçu de son père. Tandis qu'il se présentait devant eux, saisi par un esprit méchant (correptus cecidit), il tomba, obsédé par des cris stridents d'animaux et des bêlements."
Alors, la religieuse se leva avec un air irrité et commanda d'une voix forte : "Sors de lui, misérable (Exi ab eo, miser) ! Sors de lui misérable !" A ces mots, de démon répondit sur-le-champ par la bouche de l'homme torturé : "Et si je sors de lui, chez qui entrerai-je ?" Il se trouvait par hasard qu'à proximité passait un petit goret. Alors la religieuse commanda : "Sors de lui et entre dans ce goret." Immédiatement il sortit de l'homme, envahit le goret selon l'injonction reçue, le tua et s'en alla.
Texte 11
III, 33, 2-5
(p. 395-397)
saint Eleuthère
Dans un monastère de vierges se trouve un petit enfant "que le malin esprit tourmentait (uexare) chaque jour ponctuellement". L'homme de Dieu, à la demande des moniales le couche avec lui. Il ne se passe rien, mais le saint l'emmène avec lui dans son monastère où le diable n'ose plus l'aborder. Le saint s'en réjouit et "à l'instant même, l'enfant, devant tous les frères, fut envahi par le diable et torturé (se inuadente, uexatus est)". "A cette vue, le vieillard se lamente et pleure longuement ; les frères essaient de le consoler. Il leur répond : "Croyez-moi. Pas un morceau de pain aujourd'hui dans votre bouche avant que cet enfant soit arraché au démon !" Alors, il se prosterne en prière avec tous les frères et ils prient jusqu'à ce que l'enfant soit guéri de sa crise. Il fut même guéri si parfaitement que le malin esprit n'osa plus l'approcher par la suite".