V – Les hypothèses de travail :

Nous avons d'ores et déjà souligné l'un des objets centraux de la recherche présentée ici, à savoir l'examen des modes d'action d'un service dont la vocation officielle est de défendre et d'assister les étrangers, et ce dans un pays devenu une terre d'exclusion et de répression. En suivant le déroulement des évènements et les conditions dans lesquelles les membres de l'Association concernée ont pu ou su, par contrainte ou empêchement, préserver ou non la survie du Service, les formes de légalisme appliquées par les responsables nécessitent un approfondissement afin d'en définir la nature précise. De quelle acceptation s'agit-il ? Quelles sont les limites et les frontières explicites ou implicites qui se sont imposées ? Au regard de ces aspects, de quelle forme de « résistance » pouvons-nous parler pour qualifier les actes de quelques professionnelles, actes ayant valu au Service une punition collective à quelques semaines de la Libération ?

Comme beaucoup d'organisations et, souvent, d'individus, le SSAE a présenté une double face durant les dernières années de l'Occupation. Resté un service officiel de Vichy jusque dans les dernières semaines du printemps 1944, il apparaîtra, plus tard, comme un des organismes qui « sauva l'honneur » des services sociaux. Dans les années d'après-guerre, ces derniers seront la cible de bien des critiques quant à leur présence active dans tous les moyens mis en place par Vichy dans le domaine de l'assistance. Comment qualifier la prise de conscience nécessaire pour mener à la désobéissance ? S’agit-il d’une réelle rupture ou plutôt d'une continuité préservant la cohérence et l’efficacité de l'action ?

Pour le SSAE, la déclaration de guerre et la chape de plomb de l'Occupation constituent une mise à l'épreuve et inaugurent une odyssée marquée par la révolte et le courage mais aussi par le renoncement et l'attentisme. Les femmes dont nous allons parler ont connu et vécu tous ces sentiments à la fois. Notre recherche a pour modeste ambition de restituer leur juste part de vérité dans l'aventure qu'elles ont traversée.