4. Années trente : un contexte qui s'assombrit.

On ne peut évidemment, à l’évocation de ces principes visant à séparer « le bon grain de l’ivraie », que se reporter à l’évolution de la politique américaine en matière d’immigration. L’obsession des conséquences néfastes d'une introduction trop massive d’éléments étrangers pouvant menacer l’intégrité d’un corps sain mais fragile – la Nation – trouve un écho pratique dans l’intensification de mesures restrictives pour l’entrée sur le territoire américain. Amorcées dès l’après-guerre, ces mesures représentent pour certains un modèle à suivre. Ainsi Charles LAMBERT souligne-t-il, un brin admiratif, l’efficacité américaine pour mener à bien les expulsions et les refoulements sans connaître les états d’âme qui, selon lui, font obstacle en France à une politique ferme mais juste. Néanmoins, l’idée de sélection va au-delà d’un contingentement et d’un contrôle accru des entrées sur le territoire national. Elle se construit sur une base pseudo scientifique qui catégorise, classe, hiérarchise et, surtout, élimine.

En 1932, Georges MAUCO soutient une thèse de géographie sur un sujet jusqu’alors peu exploré : l’immigration. La même année, il édite un ouvrage tiré de sa thèse, qui restera longtemps comme une référence obligée dans le domaine 153 . En effet, une étude de cette nature est une première en France et son auteur se verra logiquement reconnu comme l’un des spécialistes les plus éminents de cette « question délicate » 154 . Pour Georges MAUCO, il s’agit « d’attirer l’attention sur la grandeur d’un phénomène qui modifie silencieusement mais sûrement la structure humaine de la France » 155 . Après une présentation exhaustive des chiffres sur la démographie et la configuration quantitative et par nationalité de l’immigration, l’auteur analyse l’organisation et le contrôle de l’immigration en France. Pour en conclure qu’il existe bien une organisation et un contrôle efficaces 156 .

Le chapitre XII aborde enfin « Les problèmes de l’immigration ». L’objectif de Georges MAUCO est de démontrer que, malgré bien des inconvénients, l’immigration reste indispensable et bénéfique pour la France. Encore faut-il que des mesures strictes permettent de pallier les conséquences négatives qui ne manquent pas d’exister. La réalité démographique et la « capillarité sociale » faisant de la France un pays « d’intellectuels et de mains blanches » 157 sont, pour lui, les signes d’un affaiblissement préoccupant. L’immigration présente des avantages économiques indéniables : « l’immigré est en général travailleur et aide à freiner les prétentions des indigènes » assurant ainsi un meilleur rendement du capital. Mais par son inadaptation et son inexpérience, c’est un travailleur dont le rendement est moindre que celui d’un Français :

‘« Les immigrés n’amènent donc qu’une force sociale très faible et s’ils constituent une richesse musculaire, c’est-à-dire économique, considérable, leur apport au point de vue moral est des plus réduits et ils ne contribuent pas, bien au contraire, à consolider la moralité . » 158

Pour exemple : l’augmentation de la criminalité et des problèmes sanitaires comme la syphilis et les maladies mentales qui ne peuvent, selon l’auteur, provenir que de l’immigration. La meilleure façon de réduire ces troubles inévitables est de choisir des immigrés « ethniquement très proches des Français. [Ainsi] leur fusion dans la population n’altère en rien la santé physique de la race ». Il s’agit donc de déterminer les races – et non les nationalités – autorisées à venir se mélanger avec le sang national et surtout désigner celles qui ne sauraient être acceptées à savoir « tous les Sémites, certains Grecs et les Arabes… ».

La « raciologie » s’est développée en France au milieu du XIXe siècle. L’essai de Joseph GOBINEAU sur L’Inégalité des races, paru en 1858, constitue une référence pionnière. Contemporain de Georges MAUCO, le Docteur René MARTIAL, après avoir produit une abondante littérature sur les questions d’hygiène dans le monde du travail, fait paraître en 1934 La Race Française puis L’immigration et la greffe interraciale 159 , le concept de « greffe » étant par la suite développé – ou plutôt répété – dans une série d’ouvrages ultérieurs 160 . Pour le Docteur MARTIAL, le mot « race » doit se concevoir sur le plan anthropologique, historique et démographique. Mais la dimension essentielle est la composante psychologique car :

‘« (…) la race est constituée par l’unité morale, mentale et intellectuelle, sentimentale et l’affectivité héréditaires d’un peuple donné quels que soient le nombre, la nature, la qualité des métissages (…) C’est cet ensemble psychologique qui constitue ‘l’ethnie'. » 161

Il ne faut donc pas, selon l'auteur, refuser les métissages mais il est nécessaire de les sélectionner. Pour le démontrer, il puise dans les métaphores tant agricoles que médicales 162 et développe, dans une démonstration étonnante, le moyen scientifique de déterminer quelle race et quelle ethnie peuvent, sans aucun inconvénient, se mélanger à la race française. Ce moyen, c’est la détermination des groupes sanguins :

‘« Étant donné que l’ethnie française contemporaine compte encore plus de O que de A et de B dans son ensemble, le problème de la greffe interraciale, (…), revient à choisir un ou des peuples, ou parties de peuples dont les groupes sanguins (combinés à la psychologie) soient susceptibles : 1° d’être résorbés par notre milieu sanguin ; 2° de faire remonter son indice biochimique. » 163

Ce scientisme peut paraître anecdotique, voire faire sourire. Bien que la xénophobie soit fustigée et le refus de toute immigration jugé absurde, cette dernière n’est admise que dans l’intérêt unilatéral – démographique et économique – de la France qui, appartenant aux civilisations « supérieures », peut définir et choisir la nature et les conditions dans lesquelles d’autres « races » peuvent se mélanger à elle. S’il n’y a pas de rejet a priori et global de l’étranger comme l’exprime alors le nationalisme xénophobe, le tri des individus, dont les qualités sont jugées compatibles ou non, s’impose au nom d’une sauvegarde de l’ethnie et de la « grandeur française ». Cet eugénisme « racialiste », poussé plus ou moins à l’extrême, différencie ses tenants des chantres d’une pureté qui ne doit, pour être préservée, admettre aucun élément étranger 164 .

Les partisans d’une immigration de peuplement « sélectionnée » avec rigueur voient, avec la crise économique qui s’aggrave, l’arrêt des introductions nouvelles de travailleurs et la multiplication des rapatriements volontaires ou forcés. Certains, comme le Docteur MARTIAL n’ont pas de mots assez durs pour fustiger ce qu’ils considèrent comme une absurdité 165 . Mais la virulence du propos n’a rien à voir avec un plaidoyer humaniste pour les expulsés « économiques ». C’est surtout le moyen d’attaquer ceux qui, malgré eux, les remplacent dans le « tragique chassé-croisé » entre travailleurs étrangers qui rentrent au pays et réfugiés, chassés de leur patrie, qui viennent chercher en France une terre d’asile et de protection. Cette immigration, non sélectionnée et non voulue, n'est pas la bienvenue. Avec les nouveaux naturalisés, elle va constituer les cibles de choix de la xénophobie et de l'antisémitisme.

Dès 1931, l’immigration ouvrière, connaît un renversement de tendance comparé à celui qui a pu être observé au cours de la précédente décennie. Jusqu’en 1936, le retour des ouvriers dans leurs pays d’origine prime sur les introductions nouvelles 166 . Les secteurs industriel et agricole sont touchés, mais de façon différenciée. La main-d’œuvre agricole, du fait notamment des emplois saisonniers, bénéficie d’une plus grande stabilité malgré une nette décrue dès 1932. Dans un mouvement contraire, le nombre de réfugiés s’accroît de façon importante dès le début des années trente. Dans sa nature le phénomène n'est pourtant pas nouveau. Dès la fin de la Première Guerre mondiale, les troubles liés à l’intensification des persécutions contre les minorités et l’exacerbation des nationalismes ont déjà provoqué des déplacements de population. À partir de 1915, c’est le cas des Arméniens, victimes de déportations massives vers la Mésopotamie et la Syrie par les autorités de Constantinople. Au cours de ces déplacements forcés, plus de 600.000 personnes périssent en route. 400.000 tentent de s’échapper des lieux dans lesquels le gouvernement turc veut les assigner. En nombre plus limité, les Assyro-Chaldéens, ressortissants turcs de religion chrétienne, sont déplacés vers les mêmes zones. Enfin, à partir de 1917, 1.500.000 Russes fuient la Révolution bolchevique, la guerre civile et la famine.

Il faut aussi compter sur les effets de l’application des traités de paix signés après la Première Guerre mondiale. Plus d’un million de personnes devront quitter leur terre dans le cadre de l’échange des minorités entre la Grèce et la Turquie « au nom des droits qu’ont les peuples à disposer d’eux-mêmes et du rassemblement de tous les ressortissants d’une même nation sur un même territoire » 167 .

La période des années vingt a donc été la scène d’arrivées de réfugiés en France et leur présence a déjà fait l’objet de protestations et de mouvements xénophobes 168 . Néanmoins, leur venue en nombre relativement restreint et leur concentration sur certaines aires géographiques – par exemple les Arméniens à Marseille – permet, apparemment, une certaine discrétion. Tout comme l’arrivée en continu de travailleurs étrangers s’établit dans une relative indifférence, la présence de ces exilés n’attire l’attention que de quelques publications d’extrême droite.

Au début des années trente, le basculement s’opère. La fragilisation de la société et la nature des différentes crises vont bouleverser un équilibre illusoire. En 1930, on croit pouvoir annoncer que la prospérité est au rendez-vous. Les effets du « Jeudi Noir » américain 169 ont apparemment épargné l’économie française et tous les signaux économiques sont favorables. Pourtant, dès 1931, le choc se produit. En septembre, la dévaluation de la livre anglaise provoque une réaction en chaîne de dévaluations dans les pays dont l’économie est liée à la monnaie britannique. Les produits français, dont la monnaie reste liée à l’or, ne peuvent soutenir la concurrence, ce qui entraîne l’effondrement du commerce extérieur. Cette secousse trouve un écho dans le marché national où les prix agricoles s’effondrent. Selon les secteurs industriels, la modernisation lente et inégale ne peut empêcher, par manque de vigueur, un déséquilibre général. Cette crise économique provoque une crise sociale sans précédent dont le premier signe, le chômage, peu perceptible dans les premiers mois, finit par toucher l’ensemble des catégories de salariés, notamment à la fin de l’année 1933 170 . Comme « la crise nourrit la crise », c’est le monde politique qui est aussi touché subissant de violentes menées antiparlementaires vivifiées par des scandales, comme l'affaire STAVISKY 171 , qui provoquent une tentative de coup de force de la part des Ligues de droite et de certaines associations d'anciens combattants le 6 février 1934 172 .

Dans ce contexte de plus en plus tendu, la polémique enfle à propos de la présence des étrangers en France. Cette présence a subi de profondes transformations et ces transformations la rendent plus visible et, par là même, peut-être plus insupportable pour certains. La puissance de la montée xénophobe est à la mesure de la déstabilisation profonde du système social dans son ensemble : perte de légitimité de la classe politique, notamment du fait de certains scandales politico-financiers, crise intellectuelle et morale sur le thème, largement évoqué, de la décadence et de la perte d’influence du pays. L’arrivée d’exilés fuyant le triomphe du fascisme dans leur pays constitue un point de fixation, comme si une menace supplémentaire pour la société venait faire déborder une coupe déjà trop pleine 173 .

En Allemagne, dans les mois qui suivent l’accession au pouvoir d’HITLER en janvier 1933, les opposants politiques et tous ceux qui comprennent comment les évènements sont susceptibles d'évoluer commencent à quitter le pays. À la fin de l’année, ce sont entre 60.000 à 65.000 personnes qui partent, dont 25.000 à 30.000 qui s’installent en France 174 . La majorité sont Allemands mais d’autres nationalités – Polonais, Russes, Roumains, Estoniens, Lithuaniens – font aussi partie de l’exode. Les opposants politiques (socio-démocrates, communistes…) et surtout les Juifs, cibles de persécutions puis des lois antisémites 175 , fuient un régime qui, dans un premier temps, ne les retient pas. Ceux qui partent sont ceux qui peuvent abandonner ce qu’ils possèdent. Ils appartiennent, en règle générale, aux classes sociales moyennes et supérieures. Peu d’ouvriers 176 et beaucoup de « mains blanches ».

L'augmentation de l'arrivée de ces réfugiés alimente une campagne xénophobe et antisémite sans précédent. On assiste alors à une série de dispositions législatives dont le but est, d’une part, de protéger et de favoriser la main-d’œuvre nationale au détriment des travailleurs étrangers pour tenter d’endiguer l’irrésistible montée du chômage et, d’autre part, de bloquer l’accès au marché du travail à ceux qui, du fait de leur statut de réfugié, ne peuvent être ni rapatriés ni refoulés. La liste de ces mesures donne toute l’ampleur de la poussée xénophobe mais aussi du désarroi complice des politiques qui tentent de répondre aux campagnes virulentes qui fustigent leur impuissance.

La loi du 10 août 1932 donne aux pouvoirs publics de larges possibilités pour contingenter le nombre de travailleurs étrangers dans certaines branches d’activité professionnelle 177 . En avril 1933, c’est la loi ARMBRUSTER qui stipule que :

‘« nul ne peut exercer la médecine en France, s’il n’est pas muni d’un diplôme français de docteur en médecine et s’il n’est pas citoyen français ou ressortissant des pays placés sous le protectorat de la France ». ’

Enfin, les décrets des 2 mai et 12 novembre 1938 et du 2 février 1939 vont obliger les artisans et commerçants étrangers à posséder une carte spéciale et les soumettre à la loi du 10 août 1932. Ces dispositions tentent de contrôler l'orientation de la main-d’œuvre étrangère afin de préserver la main-d’œuvre nationale. Elles s'avèrent néanmoins incapables de calmer le climat de xénophobie provoqué par de nouveaux mouvements d'immigration.

À partir de 1936, à l’exode des réfugiés allemands viennent s’ajouter les vagues de réfugiés espagnols qui, au rythme de la reconquête progressive du territoire par les troupes insurgées nationalistes, franchissent la frontière pyrénéenne. Dès l’été 1936, la prise du Pays basque, puis la conquête des Asturies et, au printemps 1938, l’occupation du Haut-Aragon par les Nationalistes, jettent sur la route une population où se mêlent femmes, enfants, vieillards et combattants vaincus. L’ampleur de cet exode est difficilement chiffrable mais il frappe les esprits tant par la pitié qu’il provoque dans un premier mouvement que par la crainte que déclenche, malgré elle, cette marée humaine incontrôlable. Dès le début de la Guerre civile, le Gouvernement BLUM, qui vient d’accéder au pouvoir, réaffirme sa volonté d’appliquer une politique de non-intervention 178 .

Les préoccupations humanitaires sont loin d’être absentes, si l’on en juge par la production intensive de dizaines de directives et d’instructions ministérielles diffusées en quelques mois. En préconisant le recensement des locaux susceptibles d’héberger des réfugiés et en assouplissant les modalités d’accueil ainsi que les possibilités de retour, les autorités tentent d’organiser et de répartir équitablement un flux dont elles ne peuvent évaluer l’intensité 179 . Dans un premier temps, les instructions données confirment le souci de respecter le droit d’asile dans la tradition républicaine. Néanmoins, des pressions de tous bords ne manquent pas de fragiliser cette intention louable. Le soulèvement nationaliste est salué et soutenu par la droite française qui voit là une occasion supplémentaire d’attaquer le Front Populaire.

Pour les partis politiques, les organisations de défense des droits de l’Homme, les œuvres humanitaires, les syndicats et les intellectuels, la guerre d’Espagne et la question de l’accueil de ses réfugiés deviennent des sujets supplémentaires de déchirements à l’intérieur des organisations, et d’affrontements entre les organisations opposées. Une politique de rapatriement est alors imposée. Elle s’adresse à tous les exilés espagnols. Ne sont épargnés que les enfants, les malades et certains blessés. Des contrôles plus stricts sont mis en place aux frontières. D'une part, on argumente qu'il faut éviter l’arrivée massive de réfugiés engagés idéologiquement et militairement et qui pourraient représenter un danger de déstabilisation politique. D’autre part, les récriminations de plusieurs corporations commencent à se faire entendre, selon lesquelles certains Espagnols nouvellement arrivés représenteraient une concurrence déloyale et menaceraient la main-d’œuvre nationale – les fonds publics risquant alors d’être dilapidés pour nourrir et entretenir ces milliers d’exilés.

Le Front Populaire, en essayant de concilier l’inconciliable, mène une politique qui paraît hésitante et soumise à des mouvements incontrôlables. Vouloir faire respecter la tradition d’accueil de la France dans un pays où la xénophobie et le repli font la loi ne peut mener qu’à l’échec. L’épuisement du Front Populaire va être relayé par une politique de fermeté et de fermeture sensibles dès l’arrivée au pouvoir d’Édouard DALADIER en avril 1938, et ceci pour l’ensemble des étrangers en France.

Le pire était pourtant à venir. Au début de l’année 1939, alors que les rapatriements de réfugiés espagnols sont « facilités » et organisés collectivement, une vague refluante de près de 500.000 exilés fuyant leur région après la chute de la Catalogne accroît le raidissement politique. Faute d’avoir prévu l’ampleur de la vague tragique de tous ceux qui fuient une ville ou un hameau passés aux mains d’un ennemi sans merci, l’affolement des autorités va peser lourd dans la mise en place d’un système « concentrationnaire » improvisé pour tenter de contenir cet afflux. Les réfugiés espagnols sont considérés comme « en transit ». N’étant pas assimilés à des travailleurs étrangers, l’asile qui leur est proposé est un asile provisoire. Ils ne bénéficient ni du statut d’apatrides 180 ni d’une protection comme réfugiés politiques. La politique de non-intervention, poursuivie par les gouvernements successifs depuis 1936, ne permet de préparer qu’un « accueil » transitoire. Aussi les réfugiés sont-ils regroupés dans des camps construits à la hâte et dans l’improvisation la plus totale. La plupart de ces camps sont édifiés aux deux extrémités des Pyrénées, du côté basque et du côté catalan : tout d’abord ARGELÉS et SAINT-CYPRIEN, puis BRAM, AGDE, VERNET-LES-BAINS, RIVESALTES, SEPT FONDS et, en avril 1939, GURS, sans oublier DJELFA en Algérie, , considéré comme un camp disciplinaire 181 . Entourées de barbelés, ouvertes au vent et aux intempéries, les installations peinent à procurer un minimum de confort et d’hygiène. Les distributions alimentaires, aussi improvisées que le reste, s’avèrent insuffisantes, sans parler des soins nécessaires à de nombreux blessés et qui ne peuvent être systématiquement assurés. Avant l’automne 1939, les rapatriements se sont déroulés à un rythme relativement soutenu 182 . Certains partent vers l’Amérique du Sud, pour l’Argentine ou le Mexique. Ces départs concernent essentiellement des volontaires des Brigades Internationales. Mais, pour la grande majorité, c’est vers l’Espagne que le retour s’effectue 183 .

Si les réfugiés se trouvent ainsi pris entre les forces contradictoires qui agitent la société française, "les Français de papier", appellation s'appliquant aux naturalisés, vont tout autant bénéficier de la générosité de la République et de l'ostracisme que leur fraîche appartenance à la communauté provoque. La loi du 10 août 1927 a représenté une avancée indéniable en matière d’accès à la nationalité française. Votée comme une loi « pour temps de crise démographique », son application atteint rapidement le but recherché : le nombre de naturalisés – donc de nouveaux Français – connaît une augmentation spectaculaire. De 1926 à 1930, les acquisitions de nationalité française s’élèvent à 315.066 contre 95.215 pour les cinq années précédentes 184 . Les modalités d’acquisition sont assouplies en abaissant la durée de résidence préalable à trois ans et l’âge d’accès à 18 ans. Les effets du mariage sur la nationalité sont réformés. Ainsi, sauf demande contraire de sa part, la femme française épousant un étranger conserve sa nationalité. Enfin :

‘« devient français sans possibilité d’option, non seulement l’enfant né en France d’un père étranger qui lui-même y était né, mais désormais l’enfant né d’un père naturalisé ou l’enfant né en France d’une mère française. »185

En dehors de cet impact immédiat sur l’augmentation du nombre de naturalisés, l’autre aspect fondamental de la loi se trouve dans l’apparition d’une logique en opposition avec le « système antérieur dans lequel l’assimilation de fait précédait l’assimilation de droit ; dans le [nouveau] système […] les deux assimilations, de fait et de droit, se réalisaient parallèlement. » 186

Cette question d’assimilation « en simultané » provoque un certain nombre de critiques et d’inquiétudes. Le terme de « Français de papier », jeté à la figure des naturalisés de fraîche date, illustre le rejet subi par ceux qu’une partie de l’opinion ne va pas tarder à considérer comme de « faux Français ». Tout comme la main-d’œuvre étrangère s'est trouvée contingentée par des mesures législatives successives, les tentatives de limitation des effets de la loi d’août 1927 vont s’exercer dès le début des année trente. Un mois à peine après son dépôt par un parlementaire membre du Barreau, la loi du 19 juillet 1934 est promulguée. Elle interdit à tout naturalisé, pendant dix ans à dater du décret de naturalisation, d’exercer des professions publiques liées à l’État et de s’inscrire au Barreau. En effet, les avocats, comme les médecins avant eux, se plaignent de la concurrence déloyale exercée à leurs yeux par les Français par naturalisation. Les motifs invoqués ne relèvent pas uniquement d’un souci visant à protéger des sources de revenus. Les naturalisés doivent être évincés car :

‘« certaines fonctions (…) réclament plus que d’autres une complète assimilation aux idées, aux habitudes et à la langue de notre pays. » 187

Ainsi, l'accès à la nationalité française, comme la possibilité une fois celle-ci obtenue d'en exercer pleinement les effets, rencontrent de nombreux obstacles. Pour autant, les étrangers continuent à demander leur naturalisation ou effectuent les déclarations nécessaires pour que leurs enfants nés en France puissent en bénéficier. Les critères 188 s'appliquent de façon de plus en plus rigoureuse prenant en compte les éléments de mérite de l'impétrant de même que l'intérêt du pays jusqu'aux premières rumeurs de la guerre.

Malgré un climat de rejet généralisé, des organisations et des personnalités interviennent activement afin de porter aide et secours aux étrangers. Elles tentent de présenter un « contre discours » pour défendre leur cause. Si les mesures visant à contingenter la main-d’œuvre étrangère et à provoquer le plus de rapatriements possibles de travailleurs et de leurs familles rencontrent une approbation quasi générale – à l’exception notable des représentants du patronat -, la haine et la vindicte qui s’acharnent sur les étrangers qui ne partent pas et, surtout, sur ceux qui viennent chercher refuge en France, mobilisent quelques personnages politiques et des ligues de défense attachés au respect des droits de l'Homme. Nous avons déjà vu comment Charles LAMBERT, parlementaire, ne ménage pas ses efforts pour promouvoir un accès facilité à la naturalisation comme remède contre l’atonie démographique. La création du journal l’Amitié Française lui permet de diffuser un message de conciliation entre les intérêts de la Nation et la présence de travailleurs et d’exilés étrangers.

Paul PAINLEVÉ 189 contribue pour sa part à la création du Foyer Français qui propose des cours de français et veut promouvoir une assimilation accélérée des étrangers. Des aides et des conseils sont aussi apportés pour tous les dossiers et pour les procédures d’accès à la nationalité française. Paul PAINLEVÉ sera aussi Président du Comité d’Accueil et d’Aide aux Victimes de l’Antisémitisme Allemand, créé en avril 1933. Ce comité distribue jusqu’à 25.000 F par jour en moyenne afin de pourvoir à la nourriture, au logement et au vestiaire des premiers réfugiés allemands 190 . Lorsqu'il devra se dissoudre, il aura secouru près de 15.000 réfugiés, sous des formes diverses.

Les exilés allemands souffrent du handicap de leur nationalité. Malgré un premier mouvement de sympathie dans l’opinion publique, ils restent, dans l’esprit de beaucoup, les ressortissants d’un pays mentalement vécu toujours comme un « ennemi ». De plus, beaucoup d’entre eux sont juifs et deviennent la cible d'un antisémitisme exacerbé. Les chiffres les plus fantaisistes courent sur leur nombre, autorisant certains à parler d’ « invasion juive ». Pour les défenseurs de la « pureté de la race », les Juifs sont surtout présentés comme définitivement inassimilables. Dans ces conditions, ces derniers ne peuvent que se tourner vers les comités d’assistance et de protection, créés dans les années vingt, par les israélites français. Mais, à l’intérieur même de cette communauté, l’arrivée de coreligionnaires étrangers ne va pas sans difficulté. Soucieuse de protéger la place des institutions officielles du judaïsme français, ses représentants souhaitent exercer un contrôle sur les étrangers qui viennent s’installer en France.

Les rapports entre communauté française et étrangère connaissent alors des sujets de tension. Neutralité et souci de discrétion pour les premiers, refus d’assimilation et engagement politique plus prononcé pour les autres : les antagonismes vont marquer les relations réciproques de l'empreinte de la méfiance et de reproches latents. Même la Ligue Internationale Contre l’Antisémitisme (LICA), créée en 1928, est traversée par ces antagonismes entre modérés et radicaux – les premiers prônant l’indifférenciation – « des hommes comme les autres » 191 – les seconds une défense plus virulente contre les attaques antisémites.

Les actions philosémites ne s’exercent pas uniquement à l’intérieur de la communauté juive. Des personnalités politiques de gauche comme de droite, différents mouvements catholiques – notamment ceux de la jeunesse – et protestants, ainsi que quelques responsables ecclésiastiques réprouvent publiquement l’antisémitisme et les doctrines racistes. Ces dénonciations sont aussi portées par la puissante Ligue des Droits de l’Homme. Si la xénophobie et l’antisémitisme revêtent une force sans précédent, les défenseurs des droits de l’Homme remportent tout de même quelques victoires. Le 21 avril 1939, le décret-loi dit « MARCHANDEAU » est définitivement voté. Il réprime toute propagande contre les représentants d’une race ou d’une religion.

C'est une victoire mais une victoire de courte durée 192 . Le contexte général est celui d'un pays qui tend à se fermer de plus en plus à l'accueil des persécutés et à refuser l'installation durable des étrangers ainsi que leur naturalisation. Sur des bases similaires à celles qui ont engendré la grande peur de « l'invasion » et de la perte de l’identité nationale aux États-Unis quelques décennies plus tôt, auquel on assiste dans l'hexagone à un mouvement de repli, argumenté et doctement explicité sur des bases pseudo scientifiques. Cette philosophie de la « sélection », de la séparation nécessaire entre le « bon grain et l'ivraie » imprègne la pensée de tous les protagonistes, défenseurs inclus. Dans un tel environnement, comment le SIAE, qui va devenir le SSAE, va-t-il pouvoir développer son action et son influence ?

Notes
153.

Georges MAUCO, Les Étrangers en France, leur rôle dans l'activité économique, Armand Colin, 1932.

154.

Georges MAUCO sera secrétaire général du Comité français de la Population créé en 1935 par Adolphe LANDRY. En 1938, il est appelé au sous-secrétariat d’État chargé des services de l’immigration et des étrangers. Enfin, en 1939 et 1940, il est nommé expert auprès du Haut comité de la Population. Pour des analyses éclairées sur ce personnage ambigu et représentatif, voir : Patrick WEIL, «Georges MAUCO : un itinéraire camouflé, ethnoracisme pratique et antisémitisme fielleux» in P.A. TAGUEIFF (dir.), L’Antisémitisme de plume, 1940-1944, Berg International Éditeurs, 1999, pp. 267-276. Voir aussi : Elisabeth ROUDINESCO, «Georges MAUCO (1899-1988) : un psychanalyste au service de Vichy. De l'antisémitisme à la psychopédagogie», L'Infini, N°51, automne 1995, pp. 69-84. Ces deux auteurs démontrent comment celui qui, avant-guerre, est considéré comme l'incontournable expert des questions liées à l'immigration, consolidera dans un discours pseudo-scientifique l'approche xénophobe et antisémite de la politique vychiste à l'égard des étrangers. Son opportunisme politique, à la mesure de son ambition, lui permettra de passer sans encombre «la ligne de la Libération». Au moment des travaux qui permettront la rédaction de l'ordonnance de 1945, il tentera même de faire valoir ses théories différenciant les ethnies "désirables" et les autres. Il sera contré dans ses projets par Alexandre PARODI, entre autres. Il garde ses fonctions au sein du Haut-Comité consultatif de la famille mais c'est surtout comme psychopédagogue réputé qu'il occupera le devant de la scène jusqu'à sa mort en 1988.

155.

Georges MAUCO, Op. cit., p. 11.

156.

« En résumé, de l’examen du fonctionnement de l’immigration, il résulte que la grande part de celle-ci, environ 70% est soumise au contrôle sanitaire, professionnel et administratif des organismes officiels (…) Il apparaît aussi que les employeurs, notamment par l’intermédiaire de la Société Générale d’Immigration, ont remarquablement organisé le recrutement.», ibid., p. 131.

157.

Comme dans beaucoup d’expression de l’auteur, ce genre d’assertion est toujours teinté d’un certain mépris critique. Valorisation du travail manuel surtout s’il est paysan, critique de la bureaucratie et du fonctionnariat, haine du communisme et rejet du libéralisme comme l’éloge de la famille constituent les références maintes fois développées par l’auteur, préfigurant ses futurs engagements.

158.

Georges MAUCO, ibid., p. 185.

159.

René MARTIAL, Traité de l'Immigration et de la greffe inter-raciale, Larose, Cuesmes-les-Mons, (non daté).

160.

«La Greffe inter raciale et l’immigration de l’agriculture 1928-1933» ; «L’immigration tchécoslovaque et la greffe inter-raciale», etc.

161.

Docteur René MARTIAL, La Race Française, p. 13.

162.

«Le greffon à enter sur la souche française, l’ensemencement par ferment, la transfusion ethnographique…»

163.

Docteur MARTIAL, ibid., pp. 313-314.

164.

Pour une étude complète des modèles du nationalisme xénophobe et du «racialisme eugénique», on se reportera à l’article de Pierre-André TAGUEIFF, «Face à l’immigration : mixophobie, xénophobie, sélection ; un débat français dans l’entre-deux-guerres», Vingtième siècle, N°47, Juillet 1995, pp. 103-132.

165.

«Maladresses, ingratitude, immoralité sont les caractéristiques de ces opérations de refoulements», Docteur René MARTIAL, Op. cit., p. 332.

166.

Ainsi, en 1932, on note 69.000 entrées contre 108.000 sorties ; même mouvement en 1935 avec 56.000 entrées contre 67.000 sorties. Le mouvement s'inverse timidement en 1936 (entrées : 62.000, sorties : 46.000) pour évoluer de façon décisive en sens inverse dès 1937 avec 91.000 introductions et 20.500 départs (Jean Charles BONNET, ibid., p. 191).

167.

Par le Traité de Lausanne signé en 1923, Claude NOREK et Frédérique DOUMIC-DOUBLET, Le Droit d’Asile, PUF.

168.

R. SCHOR, L’Opinion Française et les Étrangers, 1919-1939, Publications de la Sorbonne, 1985.

169.

Après une période de très forte croissance, les premiers signes de la crise financière apparaissent le 18 octobre 1929 puis le 24, le fameux «jeudi noir». Le début d'une chute brutale et inexorable des valeurs amène un effondrement général de l'économie, tant dans le secteur industriel qu'agricole, aux États-Unis puis dans l'ensemble des pays d'Amérique latine et d'Europe.

170.

Dominique BORNE et Henri DUBIEF, La Crise des Années 30, Points Histoire, Seuil, 1989, pp. 37-43.

171.

En décembre 1933, une vaste escroquerie conduite à partir du Crédit municipal de BAYONNE portant sur 200 millions de faux bons de caisse est découverte. Elle implique le député maire de la ville ainsi que le ministre des Colonies de l'époque. À la source du détournement, on trouve une personnalité du « Tout-Paris », Alexandre STAVISKY découvert mort dans un chalet de CHAMONIX en janvier 1934. Si l'escroquerie en elle-même ne compromet que quelques personnalités politiques, une violente campagne est soulevée par l'extrême-droite accusant pêle-mêle les « politiciens pourris » et « les voleurs étrangers et juifs ».

172.

En fin d'après-midi, des manifestants se regroupent Place de la Concorde et se dirigent vers l'Assemblé Nationale. Les forces de l'ordre sont rapidement dépassées et la manifestation tourne à l'émeute. Des coups de feu claquent, des incendies de bâtiments publics sont allumés. Une nouvelle flambée de violence se déclare dans la nuit. Au matin, 15 morts (dont quatorze chez les manifestants) et plus d'un millier de blessés sont à déplorer. Après avoir tenté de maintenir la fermeté, le gouvernement est ébranlé par la récupération politique faite autour du désordre qui s'est installé pendant de longues heures au cœur de la capitale. Le Président du Conseil, Édouard DALADIER, démissionne. Expression d'une société en crise, le 6 février «est un précédent décisif : le temps des radicaux est passé ; la république parlementaire s'est suicidée; la voie est libre pour d'autres tentatives ». Voir : Le 6 février 1934, présenté par Serge BERSTEIN, Collection Archives Gallimard, Julliard, 1975.

173.

Pourtant, dès 1922, année de l’accession au pouvoir de MUSSOLINI, les opposants italiens en prenant le chemin de l’exil s’étaient, pour la plupart, réfugiés en France. Les craintes d’une politisation de ces immigrés, ferment possible de troubles intérieurs, s'étaient peu à peu apaisées.

174.

Ralph SCHOR, Histoire de l’Immigration, p. 194.

175.

L’émigration reste pourtant modeste. François-Georges DREYFUS l’évalue à 15% des juifs qui partent d'Allemagne entre 1933 et 1935 (F.G. DREYFUS, Le IIIe Reich, Livre de Poche, 1998, p. 184). Ce chiffre peut être aussi mis en lien avec les difficultés rencontrées par les Juifs pour émigrer. On pourra se référer à Raul HILBERG, La Destruction des Juifs d’Europe, Fayard, 1988, pp. 124-125.

176.

Ralph SCHOR n’en recense que 8% en 1933.

177.

Cette loi épargne le secteur agricole. Sur les débats autour du vote de la loi, voir : Jean Charles BONNET, Op.cit, pp. 272 à 281.

178.

Principe qui connaîtra quelques entorses avec l'organisation de livraisons d'armes clandestines. Sur le rôle de Jean MOULIN dans cette opération, voir Jean-Pierre AZEMA, Jean Moulin le Rebelle, le Politique, le Résistant, Perrin, 2003, pp. 70-73.

179.

Geneviève DREYFUS-ARMAND, L’Exil des Républicains Espagnols : de la Guerre Civile à la mort de Franco, Albin Michel, 1999, p. 36.

180.

Statut dont avaient largement bénéficié, au cours des années vingt, les Arméniens et les Russes et qui interdit tout refoulement ou rapatriement dans le pays d’origine.

181.

Geneviève DREYFUS-ARMAND, Op. cit., pp. 63 et 72. Sur le camp de GURS, qui fera l'objet d'un développement dans la deuxième partie de cette recherche, nous pouvons d'ores et déjà citer l’étude très complète de Claude LAHARIE, Le Camp de Gurs, 1939-1945. Un aspect méconnu de l’Histoire de Vichy, J&D éditions, 1993.

182.

Claude LAHARIE signale que, chaque mois, 9 à 15% des internés quittent les îlots du camp de GURS. Les rapatriements représentent près de 70% des départs (Op. cit., pp. 112-113).

183.

Sur les 500.000 réfugiés de la «retirada», après la chute de Barcelone, seuls 150.000 resteront en France.

184.

Jean Charles BONNET, Op. cit., p. 161. L’auteur signale que les acquisitions par décret passent de 50.700 à 205.211 d’un lustre à l’autre. Voir aussi la recherche complète et plus récente de Patrick WEIL, Qu'est-ce qu'un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, Grasset, 2002, pp. 79-81.

185.

Jean-Charles BONNET, ibid., p. 159.

186.

Jean-Charles BONNET, ibid., p. 160.

187.

Félix AULOIS, député initiateur de la proposition de loi, Chambre des Députés le 22 juin 1934, cité par Robert BADINTER, Un Antisémitisme Ordinaire, Vichy et les Avocats Juifs, 1940-1944, Fayard, 1997, p. 24.

188.

Patrick WEIL démontre que les critères utilisés restent affiliés à la logique populationniste. Le courant de sélection « ethnico-raciale » n'est pas encore à l'œuvre. Patrick WEIL, Qu'est-ce qu'un Français, Op. cit., p. 92.

189.

Paul PAINLEVÉ (1863-1933), mathématicien et homme politique, ministre (1915-1916, 1925-1929), Président du Conseil (1917), il participe en 1924 à la formation du Cartel des Gauches.

190.

R. SCHOR, L’Antisémitisme en France pendant les Années Trente, Éditions Complexes, Bruxelles, 1992, p. 291.

191.

R. SCHOR, L’antisémitisme…, Op. cit., p. 257.

192.

Le décret sera abrogé le 27 août 1940 par le gouvernement de Vichy, (JO du 30 août 1940, p. 4844).