Conclusion : une identité qui s'affirme dans un contexte difficile.

Un parcours lent, parfois périlleux, a permis à un groupe de « femmes de bonne volonté » de devenir un acteur à part entière dans la lente construction d'une politique d'immigration et de gestion de la présence, plus ou moins bien supportée, d'étrangers sur le sol français. Préoccupé par les conséquences des séparations dues aux trajectoires migratoires, le SSAE, en gardant des liens permanents avec ses homologues internationaux, construit sa place avec l'ambition de devenir incontournable pour tout ce qui touche à la vie quotidienne et aux droits particuliers concernant les familles étrangères. C'est ainsi qu'il élargit peu à peu son champ d'action. Dans ces années de l'entre-deux-guerres, celui-ci reste néanmoins fortement focalisé sur une population féminine qu’il estime devoir protéger et assister. De même, le Service ne peut prétendre à l'exhaustivité : ses moyens d'action restent ténus, et leur mobilisation en faveur de telle ou telle nationalité reste fortement dépendante de l'efficacité d’un réseau international auquel il désire rester attaché.

Le contexte dans lequel cette lente construction s'établit laisse apparaître un durcissement notable à l'égard de la présence des étrangers. Restée invisible – ou plutôt masquée par l'indifférence – l'immigration devient la cible de tous ceux qui, hantés par le « déclin » de la France, cherchent des responsables. Dans un environnement hostile, le SSAE tente obstinément d'affermir sa place en privilégiant la proximité avec les autorités publiques. Ce rapprochement est essentiellement dû à la recherche d'une stabilité. Les difficultés financières qui, à plusieurs reprises, ont menacé l'existence même de l'association ne sont pas un élément négligeable dans la compréhension de cette « obsession » de reconnaissance auprès des décideurs. À cette stratégie de préservation, plutôt pragmatique, se mêle une vision plus « naïve » qui estime qu'un statut d'influence peut contribuer à une évolution plus favorable du sort des « protégés » du Service.

Cette « cour » assidue faite auprès des cabinets ministériels porte ses fruits. Indéniablement, le SSAE sait user de ses relations et fait l’apprentissage, parfois rude, des arcanes politiques et budgétaires. À la veille de la guerre, s'il n'est pas encore totalement assuré, l'avenir devient plus clair. Le temps des difficultés n'est-il pas révolu ? Malgré les signaux inquiétants venus d'Allemagne et d'Italie et, en France, l'expression sans retenue d'une xénophobie croissante, n'est-il pas temps de construire une réelle politique sociale ? Les contacts au sein du ministère du Travail semblent accréditer l'idée que tout est encore possible et qu'une volonté politique est en marche. Au sein du SSAE, ces éléments renforcent l'idée qu'il n'y a pas de salut possible en dehors de la proximité et de la collaboration avec les pouvoirs publics. Les difficultés matérielles semblent donc s'estomper. Pourtant, comme pour le reste de la société française, le temps des épreuves ne fait que commencer.