III – Le comité de nîmes , « comité des dupes » ?

1. Les œuvres d'assistance à l'unisson.

Les autorités de Vichy sont en difficulté pour assurer une gestion correcte des camps d'internement, c'est-à-dire assurer ce qui relève de la répression et de la police administrative d'une part, et l'organisation satisfaisante du ravitaillement et de la vie quotidienne d'autre part. Dans le contexte général de pénurie alimentaire et de désorganisation des transports, ce dernier point est aggravé, nous l'avons vu, par la brusque augmentation du nombre des internés à l'automne 1940. L'appui des œuvres d'assistance aux internés devient alors un élément indispensable pour améliorer la situation. C'est par pragmatisme et par calcul que Vichy engage la concertation avec des organisations françaises et étrangères 431 .

La création d'une coordination, formalisée par la mise en place d'un « Comité de coordination des associations travaillant en faveur des internés et réfugiés étrangers en France » se fait sous les auspices bienveillants des autorités vichystes. La première réunion a lieu le 20 novembre 1940. Elle se déroule à NÎMES, ville dont le nom servira désormais de titre à ce regroupement qui, de mois en mois, va désespérément tenter l'impossible pour « résoudre » la question des camps d'internement et améliorer la situation de celles et de ceux qu'ils enferment. La composition même du comité laisse augurer de l'étendue de la tâche. Sous la présidence de Donald LOWRIE, secrétaire de la Young Men's Christian Association, «toutes les associations, œuvres ou organisations, françaises ou étrangères, confessionnelles ou neutres » 432 se trouvent représentées – à savoir :

  • L'Alliance Universelle des Unions Chrétiennes de jeunes Gens,
  • L'American Friends Service Committee,
  • L'American Friends of Czechoslovakia,
  • L'American Joint Distribution Committee,
  • La CIMADE,
  • La Commission centrale de organisations Juives d'Assistance en France,
  • La Commission des Camps des Œuvres Israélites d'Assistance aux réfugiés,
  • Le Comité d'Assistance aux Réfugiés,
  • Le Comité Unitarien de Secours,
  • La Croix Rouge Américaine,
  • La Croix Rouge Française,
  • La Croix Rouge Polonaise,
  • L'Église Catholique de France,
  • Le Fonds Européen de Secours aux Étudiants,
  • La Fédération Protestante de France,
  • La HICEM,
  • L'Institut de Recherche d'Hygiène,
  • Le RELICO,
  • Le Secours Suisse aux Enfants,
  • Le Service Social d'Aide aux Émigrants,
  • Le Service Social pour les Émigrés de Belgique,
  • La Société ORT,
  • L'Union des Sociétés OSE,
  • L'Union Chrétienne de Jeunes Filles (YWCA)
  • L'Union Chrétienne de Jeunes Gens (YMCA)
  • L'Y.M.C.A. Polonais.

Cette énumération un peu longue permet de vérifier la représentativité du Comité. On notera la présence importante des organisations américaines, une forme d'œcuménisme « intégral » avec la représentation de toutes les confessions, l'intégration de l'ensemble des œuvres israélites dans ce qui compose un assemblage à la fois composite et homogène. Cette représentativité ne va pas sans poser quelques problèmes d'équilibre et de susceptibilité à ménager pour faire tenir cette construction fragile. Le projet de règlement intérieur établi le 22 juillet 1941 montre la manière dont les membres du Comité tentent de résoudre les questions posées par un tel rassemblement. Une assemblée plénière assure la représentation de chacune des organisations participantes. Réunie tous les mois, elle assure les fondements du Comité. Une commission exécutive composée de huit membres a pour mission « de la représenter et de mener à bien les tâches assignées par elle » 433 . C'est à cette instance qu’il revient de représenter la totalité des associations adhérentes « auprès du Gouvernement français, des autorités civiles, militaires et religieuses et des grandes associations nationales ou internationales » 434 . Un certain nombre de commissions permanentes complètent l'organisation en vue d'étudier plus précisément tel ou tel aspect « de la vie des camps ». En juillet 1941, six commissions sont prévues : une commission de l'Émigration à laquelle Miss PHELAN, directrice du bureau SSAE de Marseille, participe activement ; une commission des Libérations dont Marcelle TRILLAT est le pivot en assurant une fonction de coordination entre les différentes œuvres ; une commission d'Hygiène sous la responsabilité du très actif Docteur Joseph WEILL ; une commission des Travailleurs Étrangers dans laquelle on retrouve le Professeur OUALID ; une commission d'Éducation et une commission Juridique avec le même Professeur OUALID qui apporte ses compétences juridiques pour le projet d'élaboration d'un statut des Étrangers, projet qui ne verra jamais le jour 435 .

Les enjeux d'une telle organisation se situent dans le délicat équilibre entre le singulier – chacune des associations gardant sa propre représentation et capacité d'action – et le pluriel, censé faire poids et pression sur les autorités. Une partie des débats liés au fonctionnement interne du Comité porte sur la délégation accordée par chacune des parties à l'organe représentatif, c'est-à-dire au Comité exécutif. Certaines organisations comme les Quakers, contestent assez rapidement ce mode de délégation de pouvoir. Il faudra donc faire avec les particularismes tout en essayant de montrer une volonté unie. Cet état de fait va constituer une des fragilités fondamentales du Comité.

En cet automne 1940, un jeu relationnel complexe va s'engager entre Vichy et le Comité, jeu dans lequel chacune des parties tente de tirer profit des faiblesses de l'autre. L'improvisation des autorités dans la gestion inefficace de la constellation territoriale des camps d'internement, ainsi que la difficulté pour le Comité de faire correspondre ses paroles – souvent dures et sans concession – avec ses actes qui restent trop souvent dans l'acceptation d'un compromis finalement néfaste pour ceux qu'il est censé défendre, composent la toile de fond d'un jeu que d'aucuns pourront estimer être un jeu de dupes.

Pour l'État français, nul doute que l'aide complémentaire apportée par les fonds et les dons en tous genres consentis par les œuvres représente un allègement appréciable du coût entraîné par l'entretien des milliers d'internés en zone Sud. Après avoir rechigné à laisser des volontaires résider à l'intérieur des camps, les autorisations sont données avec beaucoup plus de facilité. Face aux associations et œuvres privées, Vichy tente de présenter ses propres services comme les opérateurs principaux de l'assistance apportée dans les camps. Ainsi, la Croix-Rouge Française et le Secours National sont régulièrement cités et présentés comme le lien principal entre l'aide dans les camps et les autorités vichystes. De même pour les Compagnies de Travailleurs Étrangers : Vichy possède son propre service – Le Service Social des Étrangers (SSE) – dont nous verrons ultérieurement que la proximité avec les organisations d'assistance ira bien au-delà d'une simple coopération fonctionnelle. Mais les prétentions des autorités à mettre en place leurs interlocuteurs officiels s'avèrent aussi velléitaires qu'inopérantes, et l'essentiel de l'aide apportée au sein des camps en zone non occupée est dû aux œuvres privées. Ces dernières ont bien conscience de l'ambiguïté de leur situation. Elles ne cessent d'ailleurs de proclamer que leur objectif premier est de voir se vider définitivement les camps. Elles tentent d'exercer leur vigilance pour que l'aide conséquente apportée, tant sur le plan financier que matériel, ne puisse en aucun cas être utilisée par Vichy comme un complément fonctionnel permanent 436 .

Comment résoudre la contradiction entre une position de remise en cause de l'existence même des camps et le projet d'améliorer les conditions de vie en leur sein ? Les participants estiment que leurs efforts conjugués pour accélérer les sorties d'internés sous toutes les formes (l'émigration, les libérations ou les placements dans un centre d'accueil) se heurtent à diverses lenteurs et obstacles qui prolongent le séjour des « hébergés ». Ils les connaissent bien, pour les partager plus ou moins ponctuellement, les conditions de vie quotidienne épouvantables à l'intérieur des camps,. Ils estiment ainsi se trouver devant l'impérieuse nécessité de soulager l'instant, quitte à fermer les yeux sur les conséquences à venir.

Le Comité tente de se donner tous les moyens pour connaître la vie dans les camps, et son avis est loin d'être complaisant pour les autorités. Joseph WEILL effectue une tournée générale dans la plupart des camps de la zone Sud. Le bilan qu'il rapporte est accablant : alimentation insuffisante provoquant des troubles physiques graves, répartition inéquitable des vêtements et des colis de nourriture, pénurie récurrente de vestiaire et notamment de sous-vêtements, équipement et ravitaillement au plan médical quasi inexistant. La cause principale de cette situation : la mauvaise administration des camps.

En juin 1941, l'état général des camps est décrit comme catastrophique : l'œdème de la faim est présent partout, et le fait que les hommes semblent moins bien supporter les privations que les femmes est souligné ; le pullulement des mouches est décrit comme effarant, les morsures de rats sont en augmentation constante… Mais si la situation sanitaire et alimentaire reste au cœur des préoccupations des œuvres privées, ces dernières n'en oublient pas pour autant leur vocation morale. L'augmentation du nombre des « grossesses illégitimes » est aussi une source d'inquiétude pour les organisations qui, par ailleurs, soulignent le fait que le père est rarement un interné. La promiscuité « effroyable », l'oisiveté forcée portent atteinte à :

‘« la résistance morale (et) physique des jeunes filles et des femmes (…)pour des raisons indépendantes de leur volonté » 437 . On souligne dans le même rapport que : « l'affaiblissement de l'autorité paternelle et maternelle, que l'enfant voit impuissant en face des éléments de vie quotidienne, privés de la liberté de mouvements et incapables d'assurer la discipline familiale, efface dans l'âme enfantine les notions de hiérarchie, de la mission éducative et du pouvoir paternel » 438 . ’

La situation des enfants est une priorité absolue pour les membres du comité. C'est dans ce cadre que les camps soi-disant « spécialisés » dans « l'hébergement» des plus jeunes internés font l'objet d'observations et de surveillances continues. Dès le mois de mars 1941, l'état de santé des enfants retenus dans le camp d'ARGELÈS est l'objet de fortes critiques suite à la description des troubles observés :

‘« Anémie des muqueuses chez un grand nombre d'enfants, décoloration presque complète chez un grand nombre, exophtalmie et regard typique des sous-alimentés, carie dentaire, langue chargée chez la totalité des enfants, ganglions sous maxillaires et cervicaux nombreux et gros,(…), rachitisme typique chez un nombre plus grands de petits enfants admis à la Maternité que lors de la dernière visite, impétigos et autres lésions de la peau, trachome chez trois enfants non isolés et non traités, nombreux cas de scolioses, nombreux cas de pyodermie, sous-alimentation évidente ». ’

Leur transfert sur RIVESALTES n'est qu'une solution insatisfaisante. En effet, les conditions de ce camp ne sont guère adaptées, d'après les membres du comité qui ont pris la peine de s'y déplacer et, parmi eux, le Docteur Joseph WEILL. Sur un rapport de ce dernier, le comité décide que ce camp est impropre à recevoir femmes, enfants et tuberculeux et qu'il faut donc, si les transferts continuent, arrêter toute collaboration 439 .

Néanmoins, ces positions fermes sont sans cesse contredites par des propositions de réaménagement des camps concernés pour que les conditions d'accueil et de séjour y soient améliorées. C'est ainsi que la commission des Enfants et des Vieillards, en date des 8 et 9 février 1941, s'attache à proposer deux projets permettant de mieux adapter les conditions quotidiennes d'internement. Le premier consiste à créer à RIVESALTES une « cité d'enfants », c'est-à-dire une pouponnière qui accueillerait mères et enfants, les enfants âgés de 3 à 12 ans et qui comprendrait des jardins d'enfants, des écoles et des réfectoires. De même, des ateliers d'enseignement professionnel seraient installés notamment pour les enfants espagnols dont l'admission dans d'autres départements s'avère difficiles. Pour les enfants âgés de 12 à 16 ans, que la commission évalue à environ 500, une section distincte serait installée à NOÉ, pour effectuer une préparation à l'enseignement professionnel en vue d'une émigration et pour les préparer « le plus tôt possible à la carrière artisanale qui les attend » 440 .

La contradiction permanente dans laquelle les membres du comité pensent et agissent se traduit dans cette tension entre le souci de dénoncer et la volonté d'agir. Il est toujours possible de rétorquer que les projets présentés se situent sans cesse dans l'optique cent fois répétée de préparer la sortie des internés. Mais ils ne manquent pas non plus d'illustrer l'ambiguïté constitutive de l'action humanitaire qui, par pragmatisme, doit assumer les contraintes de l'action 441 . À partir de ces propositions, on peut sans conteste souligner que les membres du Comité ont, par le biais de la négociation de « petits arrangements », contribuer à leurs corps défendant au maintien d'un système qui gardera jusqu'au bout son caractère mortifère et destructeur 442 .

Ce jeu d'ombres chinoises connaît une nouvelle ampleur avec l'arrivée d'André JEAN-FAURE comme Inspecteur général des Camps. Nommé Préfet hors-cadre en juin 1941, ce haut fonctionnaire se voit confier la mission d'établir un état des lieux de la situation des camps d'internement. Son constat n'est pas très éloigné de celui fait par les œuvres privées :

‘« La plupart des camps d'internement sont à l'heure actuelle installés dans des conditions déplorables qui ne sauraient être plus longtemps tolérées sans compromettre la réputation d'humanité de la France » 443 . ’

Si les relations avec les directeurs des camps sont souvent empreintes de soupçon réciproque 444 , voire de franche hostilité, le Comité de Nîmes et notamment les membres du comité exécutif ne cessent de faire valoir leur relation avec les autorités qui leur ont si obligeamment permis de mettre en place cette coordination des œuvres. Ces autorités sont d'ailleurs si soucieuses du travail accompli qu'elles exigent d'obtenir un rapport mensuel sur les activités dans les camps ainsi qu'un contact d’un membre du comité avec le ministère tous les quinze jours. Ces contacts sont assurés la plupart du temps par Donald LOWRIE, souvent assisté du Pasteur TOUREILLE. Nul doute que ces visites ne confortent un sentiment d'importance et, par là même, justifient un légalisme sans réserve qui fera bien souvent s'opposer les propos tenus au sein du comité et ceux qui sont fort poliment développés auprès des instances officielles.

La réunion tenue le 31 octobre 1941 en présence d'André JEAN-FAURE illustre bien cette situation :

‘« Les améliorations immédiates suscitées par le passage de M. JEAN-FAURE nous prouvent qu'un nouveau chapitre s'ouvre dans l'histoire des camps » déclare Donald LOWRIE en ouvrant la séance, et de rappeler que « toutes (les) organisations sont prêtes à seconder les pouvoirs publics, auxquels le concours et la loyauté du Comité de Coordination sont acquis ». ’

Ces conversations de bon ton, qui en rajoutent parfois dans l'euphémisme, ne s'adressent pas exclusivement à un cercle mondain. L'Inspecteur Général des camps tente réellement d'apporter une amélioration à la situation et il ne minore pas l'importance du travail à entreprendre pour y parvenir. Après avoir effectué une tournée dans quasiment l'ensemble des camps d'internement – y compris en Afrique du Nord – il a une analyse qui diverge assez peu de celle du Comité, même si les explications sur les origines des pénuries diverses sont différentes. Comme le veut le discours officiel, la pénurie, et notamment celle concernant le ravitaillement, est due aux difficultés d'approvisionnement liées aux restrictions qui s'imposent à tous. Si les internés sont mal ravitaillés, c'est parce que toute la France a faim 445 . Une façon comme une autre de clore le débat !

La priorité de l'Inspecteur général des camps reste de s'appuyer sur les organisations privées pour d'améliorer et rendre acceptable la vie à l'intérieur des camps. Pour les œuvres, dans leur grande majorité, il s'agit que cette amélioration soit réelle mais surtout temporaire puisque tous leurs efforts tendent à proposer des alternatives permettant de faire sortir les internés.

Un dialogue de sourds – poli certes – se met en place. Le comité multiplie les propositions. En février 1941, une longue note est adressée au ministre de l'Intérieur. Chaque rubrique y est soigneusement développée afin de mettre en lumière les solutions proposées. Solutions parmi lesquelles on peut noter : libération pour les mères et les enfants âgés de moins de 14 ans, les œuvres d'assistance s'engageant à assurer leur entretien afin qu'elles ne soient plus à la charge de la collectivité nationale ; libération pour les vieillards qui seraient pris en charge par leurs familles lorsque celles-ci présenteraient les garanties financières ou, dans le cas contraire, par les organisations privées. Autres propositions : une commission de criblage systématique dans chacun des camps pour favoriser les libérations ; une réadaptation professionnelle des internés en vue de leur émigration et la facilitation de l'obtention des visas qui, n'étant valables qu'un mois et renouvelables seulement pour huit jours, sont souvent caduques du fait de lenteurs administratives dénoncées.

Notes
431.

«Ces fluctuations traduisent le mélange de volontarisme politique, de gestion des contraintes et de prégnance de l'événement qui caractérise la pratique de l'État français (…) ». Denis PESCHANSKI, La France des Camps. L'Internement, 1938-1946, Gallimard, 2002, p. 256.

432.

Archives SSAE, article 1 du projet de règlement intérieur en date du mois d'août 1941.

433.

Titre 5, article 9 du règlement intérieur.

434.

Ibidem, article 14.

435.

Cette idée sera remise à l'ordre du jour lors de la séance du 25 février 1942. Outre les Professeurs LEGAL et OUALID déjà présents dans la composition de la première commission, la participation de Miss PHELAN et du Père ARNOU était prévue. Aucun des travaux entrepris ne put aboutir.

436.

«Le rôle des œuvres privées doit se limiter à offrir des rations supplémentaires». Rapport de la séance mensuelle de la Commission des Enfants et des Vieillards, séance du 8 au 9 février 1941, Archives SSAE.

437.

Archives SSAE, Rapport de la commission d'Hygiène pour la séance du 31 octobre 1941.

438.

Ibidem, p. 8.

439.

C'est surtout le Docteur Joseph WEILL qui est porteur de cette position ferme. En règle générale, il sera souvent isolé dans cette manière de considérer la pertinence de l'interpellation des autorités de Vichy.

440.

Archives SSAE, Commission du 11 mars 1941, annexe n°3, Rapport de la séance mensuelle de la commission des Enfants et des Vieillards, séance des 8 et 9 février 1941. Participaient à cette commission Miss HOLBECK (Quakers), Andrée SALOMON (OSE), Georges PICARD et M. WRIGHT (Fondation ROCKEFELLER). La plupart des membres de la commission avaient visité les camps d'ARGELÉS et de RIVESALTES.

441.

Cette contradiction n'est pas, loin s'en faut, l'apanage du Comité de NÎMES. Elle traverse, encore et toujours, les interrogations de ceux qui aujourd'hui doivent secourir et assister dans des conditions qui peuvent cautionner des contextes par ailleurs dénoncés. Voir Rony BRAUMAN, Humanitaire, le dilemme, Textuel, 1996.

442.

Certains acteurs de l'époque fustigent sans ménagement ce qu'ils considèrent comme une entreprise ayant largement fait le jeu de la politique de Vichy : «Personne, personne dans cette assistance polie de gens bien intentionnés, qui eût le courage de secouer l'effet sédatif des termes abstraits, qui tapât du poing sur la table, qui criât à plein voix, comme on crie sur la grande route, assailli par des brigands : Ce n'est pas à exister dans les camps qu'il faut aider, c'est l'existence des camps qu'il faut combattre, nom de Dieu !» crie Nina GOURFINKEL, L'Autre Patrie, Seuil, 1946, p. 216.

443.

Cité par Denis PESCHANSKI, La France des Camps, p. 212.

444.

À RIVESALTES, la nouvelle direction du camp accueille fraîchement les délégués des œuvres et précise qu'une nouvelle méthode est en train de se mettre en place, qui lui laisse l'entière responsabilité de ce qui se passe à l'intérieur du camp. Pas question de faire appel aux organisations privées, à part pour constituer des stocks afin de «les dépanner occasionnellement» ; toute aide ne doit être fournie que sur la demande expresse de la direction du camp et «d'une façon générale, elle entendait en user selon son bon vouloir et (…) elle craignait une entrave à la discipline (…) du fait que les représentants des organisations n'étaient pas rémunérées par elle» . Archives SSAE, Annexe 3, Commission Enfants et Vieillards. De leur côté, les différents rapports émis par les commissions relevant du Comité ne cessent de dénoncer la responsabilité de l'administration des camps dans la mauvaise répartition de la nourriture et des besoins matériels des internés, les accusant d'être à l'origine de la situation de sous-alimentation gravissime imposée à ces mêmes internés. Les relations sont parfois si tendues que le comité examine la possibilité de continuer ou non à intervenir dans certains camps. Seuls, les Quakers estiment devoir apporter leur aide sans trop s'attacher à l'administration. Archives SSAE, séance du 11 mars 1941.

445.

«Il n'est pas possible, en raison des difficultés générales du ravitaillement, d'assurer pour les camps une alimentation normale que la population française libre est incapable de se ménager ». Lettre de JEAN FAURE au Président du Comité de coordination pour l'Assistance dans les camps en date du 4 février 1942. Ce courrier fait suite à un entretien qui s'était déroulé le 19 janvier, au cours duquel les membres du comité avaient une nouvelle fois tiré la sonnette d'alarme sur la situation de famine sévissant à l'intérieur des camps d'internement.