Chapitre 3 : Sous vichy, le « social » à l'honneur

‘« C'est une pitoyable histoire que celle des lois dites « sociales » de la Troisième République. Elles n'ont pas relevé la condition ouvrière, elles n'ont pas abaissé la féodalité capitaliste, elles ont plus qu'à demi ruiné l'économie nationale ». ’

Dans sa déclaration sur « La politique sociale de l'avenir » 484 , le Maréchal PÉTAIN dessine ce qui, selon lui, doit parachever la rupture avec la période néfaste de « jouissance » qui a précipité la « Maison France » dans le malheur. Cibles préférées des chantres de la Révolution Nationale : les mesures prises sous le Front Populaire. Quelles sont les nouvelles bases qui vont symboliser le renouveau si nécessaire à la préservation de « l'âme française » ? Outre l'indispensable autorité, avec son corollaire l'obéissance, c'est une société toute entière conçue comme un grand corps uni et solidaire que l'on veut (re)construire. La hiérarchie s'impose comme garante de l'équilibre à préserver. Chaque partie a son rôle, assigné plus que choisi, pour permettre à l'ensemble de se mouvoir en harmonie. Il n'est pas question, dans ce cas de figure, de laisser l'aléatoire et la fantaisie désigner qui commande et qui obéit ! Certaines catégories plus fragiles, car plus susceptibles de provoquer par une trop forte impulsivité un déséquilibre néfaste à l'ordre des choses, doivent être particulièrement cadrées. C'est le cas notamment des femmes et de la jeunesse. Ainsi, la famille et la jeunesse vont constituer les deux piliers du nouvel âge qui advient 485 .

Néanmoins, les problèmes à régler ne se sont pas exclusivement dictés par la grande opération de « nettoyage » voulue par la Révolution Nationale. Les Français ont faim. Ils ont froid. La vie quotidienne devient pour bon nombre d'entre eux quasi impossible. Des mesures de grande urgence et de grande ampleur s'imposent. Les réponses mises en place par Vichy, si elles n'échappent en rien à la propagande paternaliste et moraliste engagée par le régime, constituent aussi, bien souvent, des services originaux dont l'efficacité sera davantage liée à la compétence de leurs dirigeants qu'à la capacité des autorités à répondre à l'ampleur du désarroi et des besoins des Français. Les marges de manœuvre de ces organisations dépendront aussi, bien souvent, de la ruse ou de convictions profondes, celles-ci n'excluant pas celle-là. Ces armes se révèleront toutefois bien faibles face aux tentatives répétées de reprise en main par les fractions les plus dures du régime, au fur et à mesure de l'intensification de la misère et de la collaboration.

Notes
484.

Philippe PÉTAIN, «La politique sociale de l'avenir», Revue des Deux Mondes, 15 septembre 1940, p. 114.

485.

« Plus favorisés que nos prédécesseurs, nous pouvons aborder les problèmes sociaux dans un esprit plus libre et avec des moyens plus efficaces. Commençons par le commencement, par la famille, par la jeunesse. »Ibidem.