III – Après 1942, le face-à-face avec Vichy.

Face à l'intensification de la répression, la situation des organismes chargés de l'assistance auprès des étrangers se modifie sensiblement. La mise en place de l'UGIF, voulue par les autorités allemandes en vue de constituer en France une organisation sous la forme déjà éprouvée du Judenrät, a fait l'objet de négociations entre Xavier VALLAT, alors chargé du Commissariat Général aux Questions Juives et les représentants de la communauté israélite dans les deux zones dès l'automne 1941. La naissance de cette organisation, devant assurer la représentation des Juifs de France auprès des pouvoirs publics et de l'ensemble de l'assistance, ne va pas sans débats houleux au sein de la communauté. Le Consistoire est résolument décidé à conserver ses prérogatives en ce qui concerne les aspects religieux et se prononce rapidement contre la création d'un organisme susceptible de lui disputer cette influence spirituelle. La nomination des dirigeants et les négociations sur le mode de financement de l'UGIF se révèlent bien laborieuses pour Xavier VALLAT. Elles sont aussi source de discorde au sein des dirigeants de la communauté juive 551 . C'est donc dans la douleur que naît un système d'assistance dans les deux zones, système encadré par la volonté des autorités nazies de réduire à la misère toute la population juive et de l'obliger à utiliser pour survivre un système d'assistance unifié et contrôlé. Il faut se souvenir que, pour les familles, un aveu d'indigence signifie une condamnation à l'internement. La logique est implacable et vise à stigmatiser, ficher, affamer puis enfermer toute une population, la prédisposant à subir la déportation.

Pour les autres organisations, toute intervention en faveur des familles israélites est impossible, du moins officiellement. Le retour de Pierre LAVAL au pouvoir, en avril 1942, accélère le mouvement de collaboration déjà amorcé par l'Amiral DARLAN. La « voie de la collaboration » entraîne la complicité sinistre dans l'organisation de la déportation qui emporte les Juifs et tous ceux qui les aident. Dans de telles conditions, comme aux tous premiers jours de l'Occupation, la question peut se poser de savoir s'il est possible de continuer malgré et contre tout. Cependant, cette question peut-elle vraiment s'énoncer dans les services qui, officiellement, poursuivent leur tâche ? Car le travail ne manque pas. D'autres charges apparaissent et viennent remplir le temps consacré à soulager et à remédier à bien des pénuries. C'est du moins ce que semblent penser les différents responsables qui, à l'image de Robert GARRIC, n'envisagent à aucun moment de dissoudre leur organisation ou d'abandonner leur fonction.

Pour le SSAE, le travail continue-t-il comme si de rien n'était ?

Notes
551.

Sur la création de l'UGIF, on pourra se reporter au chapitre «Le drame de l'UGIF » de l'ouvrage de Simon SCHWARZFUCHS, Aux prises avec Vichy. Histoire politique des juifs de France, Calmann-Lévy, 1998, pp. 123-159. On pourra aussi se reporter au témoignage de Raymond-Raoul LAMBERT, Carnet d'un témoin,1940-1943, présenté et annoté par Richard COHEN, Fayard, 1985. R.-R. LAMBERT, directeur du CAR, fut le négociateur choisi par Xavier VALLAT pour assurer le lien avec les représentants israélites.