3. À MARSEILLE, une arrestation aux effets plus limités.

Le 11 juillet, lorsqu'elle arrive à MARSEILLE, Suzanne FILLEUL détaille à Lucienne MOURGUES les derniers évènements qui se sont déroulés à PARIS et à LYON. La directrice du bureau marseillais a déjà pris des dispositions préventives. Elle a expurgé et détruit les dossiers qui auraient pu être « compromettants », mis la comptabilité en ordre et fabriqué une grande affiche portant l'inscription « SSMOE Préfecture des Bouches-du-Rhône »,pensant impressionner par là d'éventuels visiteurs 694 . Tout à l'air calme et Suzanne FILLEUL repart sur LYON, soulagée que la vague de malheurs se soit enfin arrêtée pour le SSAE. Le maintien de certaines précautions s'impose néanmoins et une organisation adaptée est décidée :

‘« J'ai convoqué l'équipe en disant que chacune faisait comme elle voulait. Que celle qui voulait rester chez elle pouvait le faire, que je comprenais très bien. Tout le monde a voulu rester. Nous avons donc décidé qu'elles viendraient tous les matins prendre leur travail, qu'elles travailleraient chez elles la journée et ramèneraient le travail le soir. Ce soir là, elles avaient été plusieurs à revenir. Il était 18 heures environ. Mon bureau était plein de messages familiaux internationaux. Je faisais ça lorsque j'étais au calme car c'était long à trier. On sonne. J'étais persuadée que c'était une des secrétaires qui avait oublié quelque chose. J'ai ouvert. Ils étaient deux. Ils entrent dans mon bureau et m'annoncent : 'Votre directrice à PARIS a été arrêtée'. J'ai répondu aussitôt : 'oui, mais elle a été relâchée !' et je leur ai sorti la lettre 695 . Ils se sont longuement interrogés tous les deux en allemand. Je ne comprends pas l'allemand mais il était net qu'ils hésitaient sur la conduite à tenir. (…) Ils ont emporté un fichier, croyant que c'était un fichier de Juifs mais c'était un fichier d'Espagnols. (…) J'ai suivi. » 696

Elle « suit » jusqu'aux BAUMETTES où elle reste une semaine avant d'être relâchée. Mais impossible d'ouvrir à nouveau le bureau : « Vous êtes sous surveillance » confirme la Gestapo. Les dégâts sont tout de même limités. Le temps a été utile pour se préparer à toute éventualité et mis à profit par l'équipe pour prévenir des conséquences fâcheuses. Nous sommes fin juillet. En revanche, à LYON, toujours aucune nouvelle de Denise GRUNEWALD et de Marcelle TRILLAT.

Notes
694.

Entretien avec Lucienne MOURGUES, 23 mai 1996.

695.

Lucienne MOURGUES avait reçu cette correspondance quelques jours plus tôt et la gardait précieusement « au cas où » !

696.

Entretien avec Lucienne MOURGUES, le 23 mai 1996.