3. La préparation de l'avenir.

Si le déclenchement des conflits internationaux amène son lot de populations déplacées, leur fin est tout aussi synonyme de migrations volontaires ou forcées. Les prisonniers rapatriés – prisonniers de guerre, prisonniers politiques et du STO – et les déportés affluent sans que parfois leur accueil ait été bien préparé. Les assistantes du SSAE, en lien avec le COSOR 709 , assurent en dehors de leurs heures de travail des permanences à PARIS 710 et en province dans les Centres d'accueil où les rapatriés en tout genre affluent. Elles y reçoivent les étrangers expatriés, les guident dans les formalités à remplir, les orientent vers les centres de convalescence et de réadaptation, les aident à rejoindre ou rechercher leurs familles…

Quant aux enfants, beaucoup ont pu, au prix d'une séparation avec leur famille, passer les rigueurs de la guerre, voire de la déportation, plus ou moins à l'abri. C'est un immense travail, délicat et complexe, qu'il faut entreprendre pour les faire revenir dans des conditions satisfaisantes. Pendant l'Occupation, deux groupes principaux ont fait l'objet de l'intervention du SSAE : des enfants polonais ou français d'origine polonaise, restés en Pologne, et que leurs parents demeurés en France n'avaient pu faire récupérer malgré de multiples démarches 711 , et des enfants réfugiés en Suisse, pour la plupart israélites.

Au cours de l'année 1945, une assistante sociale est engagée dans une mission militaire de rapatriement en Pologne. À VARSOVIE, elle met sur pied, en lien avec l'Ambassade de France, une opération visant à répondre aux demandes de retour formulées par les parents depuis de trop longues années. À la fin de l'année, une centaine d'enfants étaient accueillis. Le SSAE est victime de son succès et se trouve rapidement submergé par les demandes.

Pour les enfants réfugiés en Suisse, le ministère des Prisonniers de Guerre, Déportés et Réfugiés (PGDR) s'intéresse de près à la question. Il semble indispensable d'assurer le retour des enfants dans des conditions sociales et sanitaires satisfaisantes 712 . Une enquête sociale préalable est donc préconisée. Mesure délicate lorsque les parents, après plusieurs années de séparation, se voient opposer leur situation trop précaire pour récupérer immédiatement leurs enfants. L'homologue suisse du SSAE, l'Aide aux Émigrés, a été reconnue par son Gouvernement comme le seul organisme habilité à préparer ces rapatriements. Il demande au SSAE d'entamer des démarches auprès du ministère PGDR pour être chargé de l'établissement de ces enquêtes préalables. Trois organismes se partagent la tâche en France : l'OSE, la CIMADE et le SSAE.

Au-delà de la recomposition nationale du SSAE, le réseau international subit lui aussi des modifications – effets positifs ou négatifs du conflit mondial qui s'achève. Suzanne FERRIÈRE, devenue directrice adjointe de l'International Migration Service, met en place plusieurs missions en Europe de l'Est, dont la mission polonaise évoquée plus haut. Il semble néanmoins impossible de rouvrir un bureau à VARSOVIE ou à PRAGUE. En revanche, la Grèce renoue une collaboration interrompue par le déclenchement des hostilités.

En 1945, un nouveau bureau s'ouvre en Australie. Aux États-Unis, Georges WARREN abandonne ses fonctions de Directeur Général pour intégrer un poste au sein des instances gouvernementales à WASHINGTON. Avant son départ, les branches américaine et suisse mènent ensemble une vaste enquête dans des camps de réfugiés. Il s'agit de recueillir « les desiderata des intéressés après la guerre (retour au pays d'origine, au pays de résidence, ou ré-émigration) » 713 .

Notes
709.

Comité des Œuvres Sociales de la Résistance.

710.

Notamment à l'Hôtel Lutetia où arrivent les convois rapatriant les déportés des camps de concentration.

711.

Un certain nombre avait pu rejoindre la France au prix de multiples tracasseries et d'une organisation particulièrement complexe à mettre en œuvre afin d'assurer le convoyage par des adultes compétents à partir de la Pologne jusqu'au domicile familial, dans les conditions que l'on imagine aisément.

712.

Archives SSAE, note du Docteur VERNAZ, Renseignements concernant les enfants français réfugiés en Suisse, ministère des Prisonniers de Guerre, Déportés et Réfugiés, 16 janvier 1945.

713.

Archives SSAE, Bulletin SSAE/SSMOE, avril 1945, p. 6.