Conclusion générale

Arrivée au terme de ce travail, il est temps pour nous d'analyser dans quelle mesure la recherche entreprise a pu apporter quelque éclairage sur les questions que nous avons abordées. Tout d'abord, examinons les choix qui ont été opérés tant dans la conduite des observations que dans l'analyse des évènements observés. Une première option a consisté à entrecroiser plusieurs champs : celui de l'histoire de l'immigration, tant aux États-Unis qu'en France, et celui des politiques publiques qui s'y rapportent ; celui de l'histoire du féminisme (qui nous rappelle que les combats en la matière ont débuté bien avant les années 1970), ce féminisme modéré et « bourgeois » dont l'histoire est indissociable de celle du travail social ; enfin, l'histoire de la société française durant deux décennies – les années trente et quarante –, années marquantes et symptomatiques des fractions et des forces contraires qui constituent cette société. Une telle approche est une tentative modeste mais risquée de prise en compte de la complexité de « la réalité » autant qu'on puisse en démêler quelque peu les enchevêtrements. C'est une approche qui comporte des limites et, surtout, le risque de ne pouvoir privilégier, ou insérer comme dominante, telle dimension plutôt que telle autre, laissant parfois une impression d'incomplétude. C'est pourtant le choix qui a été opéré, tant les cultures et les réseaux d'influence (religion, métier, relations sociales…) pèsent sur la perception par les « acteurs » des évènements – grands ou petits – qu'ils subissent et des situations dans lesquelles ils doivent agir. Sur cette perception vont s'enraciner croyances et attitudes, va se construire une sorte de guide. On pourra à bon droit contester cette approche, lui reprochant un caractère plus voisin du postulat que de l'hypothèse avec son corollaire méthodologique. On pourra aussi faire la remarque qu'il s'agit là d'une logique explicative de portée limitée, voire incertaine. D'autres approches, plus résolument ancrées dans l'analyse psychologique ou sociologique, n'auraient-elles pas ouvert d'autres voies, notamment sur l'explication des conduites, et surtout sur l'évolution de ces conduites au gré des traumatismes vécus directement ou indirectement ? L'histoire n'est ni la psychologie ni la sociologie et, sans avoir la moindre prétention d'en maîtriser encore l'essentiel en terme de méthode, il apparaît que nous ne pouvons nous baser que sur des traces dont nous ne maîtrisons pas entièrement les éléments qui ont présidé à leur création. Cet état de fait oblige en matière d'interprétation et d'analyse « à plus laisser que prendre ».