Chapitre 3. L’interaction de l’émotion et de l’attention: données expérimentales

L’émotion et l’attention sont profondément associées. Une des fonctions de la peur, par exemple, est celle de faciliter la détection du danger dans l’environnement. Pour cette raison, les systèmes cérébraux sous-jacents à l’émotion de peur et ceux de l’attention sont très fortement liés (LeDoux, 1996). Dans ce chapitre, nous allons discuter la question de l’influence des informations émotionnelles, particulièrement négatives, sur les mécanismes attentionnels.

Deux voies de recherche sont généralement envisagées pour analyser l’interaction émotion-attention (Williams et al., 1996). La première s’intéresse à la question de savoir comment l’attention sélective liée à l’information émotionnelle peut faciliter la performance à certaines tâches. Il existe des arguments expérimentaux qui tendent à prouver que l’information émotionnelle négative, même si elle n’est pas liée au but, est plus susceptible d’être sélectionnée et traitée, jusqu’à un certain niveau, que des informations neutres ou positives. Cette tendance qui affecte le traitement des stimuli négatifs peut perturber les autres processus en cours ainsi que l’attention sélective. La deuxième voie de recherche concerne les phénomènes liés au biais attentionnel. Ces recherches sont largement orientées par les études cliniques sur les troubles émotionnels et particulièrement ceux de l’anxiété généralisée. Dans la tâche de dénomination de la couleur du mot (la tâche de Stroop émotionnel) par exemple, le temps de réponse chez les patients anxieux est particulièrement allongé quand le mot est connoté négativement. Chez les participants normaux, en revanche, le biais attentionnel est souvent absent, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de différence significative entre les temps de réponse pour les mots neutres et négatifs. Néanmoins, bien qu’elles ne soient pas nombreuses, des recherches montrent directement ou indirectement l’existence d’un pattern attentionnel particulier chez les sujets normaux (e.g., Bradley, Mogg, & Lee, 1997; Kitayama, 1990; Yiend & Mathews, 2001).

Dans ce chapitre, nous allons discuter les patterns attentionnels face à des stimuli émotionnels en comparant deux types de personnes: des individus dysphoriques ou bien des individus normaux mis dans un état émotionnel particulier d’une part et des individus normaux dans un état émotionnel neutre, d’autre part. Cependant, comme les recherches sur la relation entre l’attention et l’émotion ont été largement dominées par les études sur les personnes dysphoriques. Peu de données sont disponibles sur le attentionnel des individus normaux. Pour cette raison, l’essentiel de la discussion va se fonder sur la base des données obtenues chez les sujets dysphoriques, avant de s’élargir à la question du pattern attentionnel chez les individus normaux.