3.2.1. Effet de l’interférence dans la tâche d’écoute dichotique

Comme nous l’avons déjà exposé, les résultats de la tâche d’écoute dichotique suggèrent que la détection du stimulus négatif chez les anxieux et la détection du stimulus lié à la préoccupation du sujet chez les individus induits émotionnellement peuvent être facilitées ou accélérées par un seuil bas. Ce qui est remarquable, c’est que le traitement de ces stimuli peut être effectué même quand ils sont présentés en tant que distracteurs dont le contenu et la signification doivent être ignorés pour obtenir de meilleures performances à la tâche principale.

Mathews et MacLeod (1986) ont utilisé la tâche d’écoute dichotique pour analyser le biais attentionnel chez les anxieux. Ils ont demandé aux participants d’ignorer l’information entendue dans l’oreille gauche, et de se concentrer sur l’information entendue dans l’oreille droite. Simultanément, ils devaient répondre aussi rapidement que possible à un stimulus neutre qui apparaissait sur un écran d’ordinateur. Les résultats montrent que la moyenne des temps de réponse au stimulus neutre était plus longue chez les personnes anxieuses lorsque les mots présentés à l’oreille gauche étaient négatifs, comparativement à des participants témoins, non anxieux. Des résultats similaires ont été montrés avec des personnes atteintes de troubles obsessionnels compulsifs (e.g., Foa & McNally, 1986). En plus, dans les deux expériences, lors de tests de reconnaissance des distracteurs, les participants, y compris les non anxieux, ne pouvaient pas identifier quels mots avaient été présentés à l’oreille inattentive. Ces résultats soulignent deux aspects importants des processus en jeu chez les dysphoriques, particulièrement chez les anxieux. Premièrement, le traitement des stimuli négatifs ou menaçants peut se produire en dehors de la conscience. Et deuxièmement, ce processus peut interférer avec celui qui est contrôlé par la demande de la tâche, en capturant l’attention ou en consommant des ressources cognitives.

Mais ces données ne montrent pas à quel niveau les individus dysphoriques et les individus normaux sont différents par rapport au traitement du stimulus négatif. En premier lieu, il y a un doute sur le fait que les stimuli émotionnels dans l’oreille inattentive soient traités ou non chez les normaux. Il y a des preuves que le stimulus dans l’oreille inattentive peut être traité sémantiquement chez les sujets normaux (e.g., Lewis, 1970; Underwood, 1977; voir aussi LaBerge, 1981 pour une revue). Mais il est difficile de savoir avec ces données si le stimulus négatif ou menaçant peut être traité de la même façon, ou inhibé sélectivement. En deuxième lieu, il faut se demander si l’effet d’interférence implique la défaillance du contrôle attentionnel, y compris celle de l’inhibition sélective. Le maintien de l’attention liée à la tâche principale pour contrer le distracteur peut demander un grand effort. Cette condition peut affecter la performance de répétition des mots « shadowing » et le temps de réponse plus particulièrement avec le stimulus négatif parce qu’il est plus difficile à inhiber. Quoi qu’il en soit, les résultats de la tâche d’écoute dichotique ne paraissent pas suffisants pour analyser la différence de pattern attentionnel selon les individus.