3.2.2. La tâche de Stroop et de Stroop émotionnelle

La tâche de Stroop émotionnelle est un paradigme expérimental modifié à partir de la tâche de Stroop originale (Stroop, 1935). Dans la tâche Stroop, on présente des mots de couleur comme « rouge », « vert », « bleu », imprimés en diverses couleurs et les participants doivent nommer la couleur du mot à haute voix. Généralement, on constate un ralentissement du temps de réponse quand la couleur du mot et le mot de couleur ne sont pas congruents (e.g., « rouge » imprimé en vert). Cet effet d’interférence entre le traitement relativement automatique du mot de la couleur et le traitement de la couleur est mesuré en calculant la différence entre les temps de réponse obtenus dans la condition non congruente et ceux qui sont obtenus dans une condition contrôle. Dans cette situation, les stimuli témoins utilisés peuvent être des mots qui ne sont pas associés à une couleur, des non-mots, des chaînes de caractères (par exemple, une série de Xs), ou des pastilles de couleur. Dans la tâche de Stroop, on constate également un effet de facilitation avec des temps de réponse plus courts quand la couleur du mot et le mot de couleur sont congruents (e.g., « bleu » imprimé en bleu).

Dans la version émotionnelle de la tâche de Stroop, des mots à signification émotionnelle et des mots neutres sont imprimés dans diverses couleurs et présentés à la place des noms de couleur. L’effet d’interférence émotionnelle de Stroop est la différence entre le temps mis pour dénommer la couleur des stimuli émotionnels (souvent négatifs) et le temps mis pour dénommer la couleur des stimuli contrôles (neutres ou positifs). Par exemple, Gotlib et McCann (1984) ont utilisé les mots liés à la dépression dans la tâche de Stroop émotionnelle avec quinze étudiants très déprimés et 15 étudiants peu déprimés d’après les scores au test de BDI (Beck Depression Inventory, Beck, Ward, Mendelson, Mock, & Erbaugh, 1961). La tâche de Stroop émotionnelle a été largement utilisée dans les études cliniques visant à analyser les processus cognitifs associés aux troubles émotionnels (e.g., anxiété, dépression ou phobie). La plupart du temps, les recherches utilisent des mots neutres ou positifs comme stimuli contrôle et comparent la performance d’un groupe de sujets qui ont un trouble émotionnel tel que l’anxiété avec celle de sujets normaux qui n’ont pas de troubles émotionnels spécifiques.

Les résultats de l’expérience de Gotlib et McCann (1984) montrent que les étudiants qui ne présentaient pas de dépression manifestaient peu de différence entre la moyenne des temps de réponse face à des mots négatifs et face à des mots positifs ou neutres. Mais, les étudiants qui étaient jugés comme dépressifs montraient bien un ralentissement significatif du temps de réponse avec les mots négatifs (23 msec) par rapport aux temps de réponse avec les mots positifs ou neutres. A peu près les mêmes résultats ont été observés dans l’expérience de Mathews et MacLeod (1985) réalisée avec des sujets anxieux. Vingt-quatre participants anxieux qui étaient regroupés selon leur prédominance anxiogène (menace sociale ou physique) et 24 sujets témoins ont été testés dans 4 séries de Stroop (version de la tâche sur des cartes). Chaque série contenait 96 stimuli (12 mots qui étaient répétés 8 fois). Les mots de la première série représentaient une menace physique (e.g., cancer) et ceux de la deuxième série représentant une menace sociale (e.g., échec). Les deux autres séries contenaient des mots positifs. Les résultats n’ont pas montré de différence significative pour les temps de réponse entre les quatre séries, chez les sujets témoins. Par contre, les temps de réponse étaient significativement plus longs avec les mots menaçants qu’avec les mots positifs chez les anxieux. Cette expérience suggère en plus, l’existence de relations entre le type des mots et le type de prédominance anxiogène du sujet. Tandis que tous les anxieux montraient un ralentissement du temps de réponse avec les mots socialement menaçants, seuls les sujets à prédominance anxiogène physique montraient un ralentissement avec les mots associés à la menace physique.