3.2.4.1. Automaticité et contrôlabilité du biais attentionnel

a. Processus automatique, sous contrainte de capacité ou involontaire

Le terme d’automaticité dans le sens classique, indique que les processus automatiques sont des processus involontaires, incontrôlables et indépendants des ressources attentionnelles (Schneider, Dumais & Shiffrin, 1984). Selon ce point de vue, les processus automatiques, à la différence des processus stratégiques, peuvent être déclenchés et exécutés indépendamment des ressources attentionnelles. Les nombreux travaux employant le paradigme de Stroop émotionnel prouvent que la lecture du mot est déclenchée automatiquement et interfère finalement avec l’exécution de la tâche principale et contrôlée par l’attention. Cette indépendance à l’égard des ressources explique bien l’effet de Stroop émotionnel avec une présentation subliminale parce qu’elle indique que l’input du stimulus est déclenché sans aide de l’attention même dans la condition subliminale. Mais ce modèle ne peut pas expliquer l’effet d’interférence lui-même parce que si le traitement automatique du stimulus ne consomme pas de ressources, alors il ne peut pas capturer l’attention des autres processus. L’effet de l’interférence semble impliquer des mécanismes beaucoup plus complexes. D’où la question: est-ce que l’automaticité seule peut provoquer l’interférence avec les autres processus ?

Beaucoup d’analyses sur l’automaticité ont fait référence au phénomène de Stroop original. Mais l’effet de Stroop et l’effet de Stroop émotionnel ne semblent pas reposer sur le même mécanisme. Dans les deux tâches, la lecture des mots est automatique et involontaire parce que le sujet a beaucoup de mal à respecter les consignes. Mais la plus grande différence entre les deux tâches est que le mot de la couleur est un des membres de la réponse tandis que le mot émotionnel est un simple distracteur à ignorer. L’effet d’interférence est généralement beaucoup plus grand dans la tâche de Stroop originale que dans la tâche de Stroop émotionnelle. D’ailleurs, l’effet de Stroop émotionnel est assez spécifique des sujets dysphoriques tels que les anxieux, les sujets phobiques ou les sujets dépressifs et il est la plupart du temps absent chez les sujets normaux.

Est-ce que le traitement des mots de couleur est plus automatique par rapport à celui des mots émotionnels ? Probablement pas. L’effet de Stroop original est lié au moins en partie à l’activation de deux réponses : une par la demande de la tâche et l’autre par le distracteur. Il a été prouvé que les mots qui sont plus fréquents dans l'usage commun (e.g., table) produisent une interférence plus grande que les mots peu fréquents (e.g., wagon) dans la tâche de dénomination de couleur (Klein, 1964). Mais ce genre de résultat reste rare et l’effet reste faible par rapport à celui des mots de couleur. L’effet d’interférence augmente proportionnellement au degré de liaison des concepts à des couleurs typiques (e.g., ciel). Par conséquent, la condition de l’automaticité du traitement du distracteur est une condition nécessaire mais pas suffisante parce que pour avoir un effet d’interférence avec le processus de traitement du distracteur, celui-ci doit être déclenché involontairement même si le contrôle inhibe les unités liées au distracteur. Mais comme nous en avons déjà discuté, les processus de bas niveau peuvent être influencés par le contrôle et la stratégie liée à la demande de la tâche même si ces processus de bas niveau sont automatiques.