3.3. Résumé et discussion

Les résultats que nous avons discutés dans ce chapitre montrent d’abord, qu’il y a de nombreux arguments en faveur de l’existence d’un biais attentionnel lié à l’émotion. Ces résultats sont issus de recherches qui utilisent principalement trois tâches : la tâche de Stroop émotionnelle, d’écoute dichotique et de détection de sondes. Le biais attentionnel est particulièrement net chez les sujets dysphoriques (anxieux, phobiques ou dépressifs) mais il est aussi observé chez les sujets normaux lorsqu’ils ont des scores élevés d’état ou de trait émotionnel négatif. Le biais attentionnel chez ces deux dernières catégories de sujets est associé à la vigilance attentionnelle à l’égard du stimulus négatif. Les caractéristiques de ce pattern attentionnel sont:

• le biais attentionnel apparaît particulièrement sensible aux mots liés à l’objet de préoccupation centrale du trouble émotionnel ou « current concern » du participant.
• le biais attentionnel apparaît dans la tâche où existe un élément de compétition entre les stimuli. Cet élément de compétition est bien présent dans toutes les trois tâches (Stroop émotionnel, détection de sondes et écoute dichotique). Les tâches qui demandent une simple détection ou identification de la valence émotionnelle ne montrent pas un tel biais attentionnel. Cet aspect indique que l’émotion n’est pas associée simplement à l’augmentation de l’efficacité du traitement du stimulus émotionnel, mais plutôt qu’elle est associée à la sélection d’un input lié à l’émotion spécifique.
• la différence individuelle concernant le biais attentionnel ou sélectif n’apparaît seulement qu’avec le stimulus modérément négatif. Le stimulus très aversif et menaçant peut provoquer la même réaction chez les individus soit dysphoriques, soit normaux (e.g., Lang, Bradely, Cuthbert, 1997).

Pour ces derniers, le biais attentionnel ou sélectif ne semble pas être dépendant d’un seul niveau de traitement. Les données sont assez ambiguës pour cet aspect mais le biais attentionnel semble impliquer non seulement l’automaticité du traitement du stimulus émotionnel avec des processus pré-attentionnels mais aussi des processus top-down ou post-attentionnels. Par exemple, Mathews et Sebastian (1993) ont montré que le contexte pouvait changer le pattern attentionnel face aux stimuli négatifs. Alors que, MacLeod et Rutherford (1992) ont montré un effet de Stroop émotionnel avec des mots présentés de façon subliminale qui empêche l’identification consciente.

A l’inverse, l’effet du biais attentionnel chez les sujets normo-anxieux qui n’ont pas été induits dans un état émotionnel particulier est observé seulement dans la tâche de détection de sondes et dans certaines expériences sur la défense perceptive. Le pattern attentionnel est plutôt associé à l’évitement du stimulus négatif. Malheureusement, peu de recherches ont analysé ce pattern attentionnel et donc, il est difficile de savoir si ce pattern implique les même mécanismes que ceux impliqués dans le biais attentionnel chez les sujets dysphoriques. En tous cas, l’observation de ce pattern attentionnel indique non seulement une différence de traitement de l’information émotionnelle entre les individus normaux et les individus souffrant de perturbations émotionnelles mais aussi l’existence d’un traitement particulier de l’information négative par rapport à l’information neutre et positive chez les individus normaux.