Chapitre 6. L’effet de contrôle attentionnel sur le pattern du biais attentionnel.

Comme nous l’avons mentionné, dans la partie théorique, le rôle du contrôle attentionnel, telle que la stratégie ou l’expectancy du participant sur le traitement d’un stimulus émotionnel, reste ambigu. De nombreuses recherches visant à étudier l’effet de ce processus sur le traitement d’un stimulus émotionnel montrent que le pattern attentionnel de la vigilance à l’égard du stimulus négatif est lié au traitement pré-attentionnel et automatique (e.g., MacLeod & Rutherford, 1992). Cependant, certaines expériences ont montré que ce pattern attentionnel pouvait être modifié selon le contexte environnemental (Mathews & Sebastian, 1993) ou l’expectancy (Kitayama, 1990). Récemment, Derryberry et Reed (2002) ont montré que le biais attentionnel lié à l’anxiété est dépendant du contrôle de chaque individu. En effet, ces auteurs ont mis en évidence que lorsque des individus anxieux ont un contrôle attentionnel suffisant, ils ne semblent pas influencés par un stimulus négatif pour orienter leur attention (dans la condition où le SOA entre l’indice et la cible est de 500 msec) alors que si leur contrôle attentionnel est faible, ils présentent un biais attentionnel dans toutes les conditions (SOA de 250 msec ou 500 msec). Ces résultats suggèrent que le pattern de l’attention lié au traitement du stimulus négatif peut être influencé par un processus top-down, au moins jusqu’à un certain point.

Dans notre étude, les expériences 1 et 3 ont montré qu’il y avait un pattern attentionnel particulier à l’égard du stimulus négatif chez les participants (les individus normaux). En effet, l’allocation attentionnelle liée au traitement du distracteur émotionnel et de la cible a été effectuée très rapidement en 120msec. Ce pattern attentionnel semble être associé au mode relativement automatique et au processus sélectionné par défaut chez les sujets normaux. Mais il a aussi été montré que ce pattern pouvait être modifié dynamiquement selon le contexte émotionnel (expérience 4). Bien que l’expérience 4 ne permette pas de déterminer précisément si la modification du pattern attentionnel est lié à l’état émotionnel ou à un processus de contrôle cognitif de haut niveau lié au contexte, il est clair que le processus de traitement de l’information émotionnelle peut être modifié par certains facteurs de haut niveau pouvant être soit affectifs, soit cognitifs. En effet, il est évident que l’état émotionnel peut modifier le traitement du stimulus émotionnel et le faciliter si l’état émotionnel de l’individus et la valence émotionnelle du stimulus sont congruents (e.g., Mogg et al., 1994; Niedenthal & Setterlund, 1994). Cependant, peu de recherches ont été réalisées pour mettre en évidence l’influence d’un processus cognitif de haut niveau sur le processus de traitement du stimulus émotionnel de bas niveau. Quel que soit le mode de traitement dominant (évitement ou vigilance) à l’égard du stimulus négatif chez un individu, s’il peut être modifié dynamiquement selon certaines stratégies ou attentesou encore par les connaissances, il peut faciliter non seulement la détection rapide du danger et permettre la réaction appropriée, mais il peut aussi rendre efficace le processus cognitif lié à l’activité en cours.

Dans ce chapitre, nous allons explorer l’influence de processus top-down et automatiques sur le traitement du stimulus émotionnel avec deux expériences. Dans l’expérience 5, nous avons examiné le rôle du contrôle attentionnel sur la régulation du stimulus émotionnel et dans l’expérience 6, l’effet de l’expectancy du stimulus émotionnel. Il est possible que les processus top-down pussent influencer le traitement du stimulus positif et neutre mais nos analyses se sont plus concentrées sur le traitement du stimulus négatif car, d’après les recherches précédentes, le biais attentionnel semble être davantage lié au stimulus menaçant ou négatif.