6.1. La capacité de contrôle et le biais attentionnel.

6.1.1. Expérience 5

Dans l’expérience 5, nous avons examiné la question de savoir si le biais attentionnel est dépendant de la capacité attentionnelle liée à la tâche chez les individus « normaux ». Malgré le fait que cette question soit au centre des discussions concernant la modélisation générale de l’interaction entre l’attention et l’émotion, peu de recherches ont été effectuées pour y répondre. Avec les participants normo-anxieux, Derryberry et Reed (2002) ont montré que le biais attentionnel lié à l’anxiété est dépendant des différences individuelles en termes de contrôle attentionnel. La tâche d’orientation spatiale que ces auteurs ont utilisée implique l’orientation attentionnelle et la difficulté de désengagement attentionnel vis-à-vis du stimulus négatif chez les anxieux. Comme le prédisaient ces auteurs, aucune différence n’a été observée entre les individus anxieux avec un bon contrôle attentionnel et ceux ayant un moins bon contrôle attentionnel, dans la condition où la pré-cible (cue) liée à la menace (negative feedback) qui signale la position stratégique de la cible était présentée avec un SOA court (250 msec). La différence entre les deux groupes est apparue quand le SOA a été augmenté (500 msec). En effet, les individus avec un bon contrôle attentionnel pouvaient désengager plus facilement l’attention du stimulus négatif pour la diriger vers la cible tandis que les individus anxieux, avec un contrôle attentionnel faible, présentaient des difficultés quelle que soit la condition (SOA de 250 msec ou 500msec). Ces résultats suggèrent que le pattern de l’attention lié au traitement du stimulus négatif peut être dépendant de la capacité attentionnelle.

Dans l’Expérience 5, nous avons tenté de mesurer l’effet du biais attentionnel selon la capacité de contrôle chez les individus « normaux » induits par des images négatives. Nous avons utilisé la même tâche que dans les expériences précédentes. L’expérience 5 comportait trois phases: phase de mesure de la capacité de contrôle attentionnel du participant, phase d’exposition aux images négatives et phase de test. Contrairement à l’expérience de Derryberry et Reed (2002) qui utilisait l’auto-évaluation (questionnaire), la mesure de la capacité de contrôle attentionnel du participant (phase 1) a été réalisée en proposant aux participants un simple test de Stroop original comportant deux conditions: condition non congruente entre le mot et la couleur et condition contrôle (e.g., « xxxxx » imprimé en couleur rouge). Les scores de l’interférence provoquée par la difficulté d’inhibition du mot de couleur peuvent être considérés comme exprimant les différences individuelles dans la capacité de contrôle attentionnel face au distracteur. Dans la deuxième phase, nous avons présenté 15 images dont le contenu émotionnel était négatif et dans la troisième phase, le score de biais attentionnel était mesuré avec la tâche utilisée dans l’expérience 1.

D’après les hypothèses proposées par les modèles que nous avons présentés (e.g., Mathews & MacLeod, 2002; Williams et al., 1997 ), les individus normaux sont supposés mieux contrôler l’interférence provoquée par la présence du stimulus négatif que les individus anxieux. Cela peut favoriser le mode attentionnel de l’évitement dans la tâche de détection de sonde et aboutir au constat d’un effet nul quand le distracteur est un stimulus négatif dans la tâche de Stroop émotionnel. Par conséquent, il est possible que les individus qui ont un bon contrôle vont mieux résister au biais attentionnel dû au stimulus négatif, même dans le contexte émotionnellement négatif. A l’inverse, les individus qui ont un contrôle attentionnel faible (qui présentent un effet d’interférence plus important dans la tâche de Stroop originale) vont présenter un biais attentionnel plus fort avec le stimulus négatif dans la tâche analogue de Stroop émotionnel que les individus avec un bon contrôle attentionnel (effet d’interférence faible dans la tâche de Stroop originale).