6.2. L’effet d’attente associé au stimulus négatif et le biais attentionnel

6.2.1. Expérience 6

D’après les résultats aux expériences 4 et 5, le pattern attentionnel au stimulus négatif peut être modifié dynamiquement selon le contexte émotionnel, mais, malgré cela, il ne semble pas être affecté par le niveau individuel de la capacité de contrôle. Cependant, ces résultats n’indiquent pas que les processus top-down liés à la tâche principale soient incapables de modifier le processus de contrôle du distracteur émotionnel surtout négatif. Une des difficultés posées par l’expérience 5 repose sur le fait que la capacité de contrôle attentionnel ne rend pas bien compte de la capacité à contrôler volontairement le distracteur émotionnel. Dans l’expérience 6, nous avons manipulé un facteur lié aux processus top-down pour examiner plus clairement l’influence de processus de haut niveau sur le traitement du stimulus émotionnel de bas niveau (biais attentionnel).

Selon Kitayama (1990, 1991), il existe deux type de processus liés au stimulus négatif chez les participants normaux. Le premier est associé à la défense perceptive qui inhibe l’information négative. Il apparaît lorsque le code perceptif du stimulus est faible (e.g., un mot avec une fréquence lexicale faible dans l’usage commun ou un stimulus avec une visibilité faible). Le deuxième type de processus est associé à l’augmentation de l’efficacité du traitement du stimulus négatif. Il apparaît lorsque le code perceptif du stimulus est fort (e.g., un mot utilisé fréquemment dans l’usage commun ou un stimulus facilement identifiable au niveau perceptif). Mais, le seuil perceptif du stimulus négatif peut être modifié par un processus top-down tel que l’attente. C’est-à-dire que l’attente du participant peut influencer l’intensité des codes perceptifs associés au stimulus émotionnel. En effet, dans l’expérience de Kitayama (1990), les mots affectifs (positif ou négatif) ont été détectés plus rapidement par rapport au stimulus neutre dans la condition d’« expectation » manipulé par la présentation des alternatives avant celle de la cible (la tâche consiste à sélectionner le même stimulus que la cible entre les deux mots présentés, après une courte présentation de la cible). C’est-à-dire que l’« expectation » augmente la détection de la cible qui est un mot affectif (positif ou négatif). Mais cet effet apparaît particulièrement quand les mots sont liés à une fréquence lexicale élevée dans l’usage commun.

Il existe une autre méthode pour mesurer l’influence d’un effet top-down lié à l’attente. Il s’agit de la manipulation de la fréquence d’apparition d’un stimulus au cours des essais. La proportion importante d’un stimulus peut induire l’augmentation de la probabilité subjective d’apparition et l’attente du stimulus chez les participants. Généralement, le seuil du distracteur est modifié par le changement de la fréquence d’apparition du stimulus; une fréquence plus importante est associée à une prédictibilité plus grande de l’apparition du distracteur concerné dans les essais, et également associé à une saillance plus faible (e.g., Clark, Fannon, Lai, Benson, Bauer, 2000; McCarthy, Kirino, Belger, Goldman-Rakic et McCarthy, 2000; Luby, Gore et Goldman-Rakic, 1997; Zink, Pagnoni, Martin, Dhamala, & Berns, 2003). Si le pattern attentionnel lié au stimulus émotionnel chez les individus normaux est automatique et insensible à la stratégie top-down liée à l’attente, ce pattern sera intact avec l’augmentation de la fréquence d’apparition du stimulus émotionnel. Mais par contre, si le pattern attentionnel peut être sensible aux effets de stratégie, le contrôle lié à la demande de la tâche principale va davantage inhiber le distracteur qui a une plus grande probabilité d’apparition.

Dans l’expérience 6, nous avons manipulé la fréquence d’apparition du visage émotionnel. La tâche se composait de deux phases : une phase d’induction (trois blocs) dans laquelle les proportions des visages positif, négatif et neutre étaient différentes et une phase de test (quatrième bloc) dans laquelle les proportions des trois types de visage étaient identiques. Par exemple, 75 % d’essais dans les blocs 1 à 3 comportaient un visage négatif avec 12.5% d’essais comportant un visage neutre et 12.5% un visage positif. Puis, dans le quatrième bloc (la phase test), l’effet induit par la manipulation des fréquences était mesuré avec des proportions identiques pour les trois types de visages. Un premier groupe de participants a commencé par une première série de blocs dans laquelle la proportion de visages négatifs était plus importante et, ensuite, exécuté une deuxième série de blocs dans lequel la proportion de visages positifs était plus importante. Un deuxième groupe a commencé en sens inverse. Avant de terminer l’expérience, une série de trois questions était posée aux participants pour vérifier s’ils avaient été conscients de la variation de la fréquence d’apparition des trois types de visages.

Si le pattern attentionnel est sensible au contrôle attentionnel et que les participants sont conscients de la fréquence élevée du stimulus négatif, les participants vont inhiber plus fortement les stimuli négatifs par rapport à la condition où la fréquence du stimulus négatif est basse.