Chapitre 7. L’effet du traitement pré-attentionnel et post-attentionnel du stimulus émotionnel sur le biais attentionnel.

Les résultats des expériences que nous avons présentés jusqu’ici suggèrent que le pattern attentionnel lié à l’évitement du stimulus négatif chez les participants normaux n’apparaît que dans la condition où le stimulus négatif peut être traité implicitement sans demande de ressources supplémentaires. Avec un temps de présentation de 30 msec, les facteurs qui peuvent augmenter l’input de ce stimulus émotionnel, soit localement comme la fréquence relative des visages, soit globalement comme le contexte émotionnel, peuvent éliminer le pattern lié à l’évitement du stimulus négatif (qui favorise l’activation plus forte du processus de traitement de la cible). Dans ces conditions, le traitement du stimulus négatif devient un distracteur et capture l’attention destinée au traitement de la cible. Lorsque l’on considère le résultat de l’expérience 4 (voir Figure 12), ce phénomène est particulièrement clair avec le stimulus négatif. Le stimulus positif, quant à lui, joue généralement un rôle de distracteur et la fréquence d’apparition ou le contexte émotionnel positif ne semble pas contribuer à une augmentation de la perturbation du traitement de la cible. Quoi qu’il en soit, cette hypothèse du traitement pré-attentionnel du stimulus négatif sur les mécanismes attentionnels doit être examinée.

Il y a de nombreux arguments qui mentionnent l’idée que le pattern attentionnel associé au traitement du stimulus négatif (« vigilant processing mode ») met en jeu un phénomène pré-attentionnel chez les patients anxieux ou les sujets normo-anxieux (e.g., Bradley et al., 1995a ; MacLeod & Hagan, 1992 ; MacLeod & Rutherford, 1992; Mogg et al., 1994). Mais cependant, peu de recherches ont rapporté l’implication de processus pré-attentionnels dans l’apparition d’un pattern d’évitement du traitement du stimulus négatif chez les individus normaux (« avoidant processing mode »).

Bien que ce n’ait pas été l’objectif central de leur recherche, l’étude de Mogg et al. (1994) a montré un résultat intéressant en ce qui concerne le pattern attentionnel lié au stimulus négatif chez les sujets normaux. Selon cette recherche, le pattern du biais attentionnel était différent selon le niveau d’anxiété-trait dans la tâche de détection de sondes avec une présentation subliminale (14 msec) des stimuli émotionnels (mots neutre, positif et négatif). Tandis que les individus avec un niveau élevé d’anxiété-trait ont montré un biais d’orientation attentionnelle vers le stimulus négatif, les individus avec un bas niveau d’anxiété-trait ont montré un biais d’orientation attentionnelle dans le sens d’un évitement du stimulus négatif dans la condition subliminale, sans induction émotionnelle particulière. Il est remarquable que lorsque la tâche a été exécutée avec des sujets en état de stress (dans la période d’examen), les participants ont montré le biais attentionnel en direction du stimulus négatif. Cet aspect montre bien la possibilité de ce que le pattern du biais attentionnel chez les sujets normaux soit associé au traitement automatique et pré-attentionnel.