1. Mode de traitement du stimulus émotionnel chez les individus normaux

Les résultats des expériences de cette recherche montrent bien le pattern attentionnel particulier à l’égard du stimulus négatif chez les individus normaux. Ce pattern attentionnel est lié généralement à deux aspects importants.

Premièrement, le pattern attentionnel spécifique au traitement du stimulus négatif chez les sujets individus normaux est associé à l’inhibition automatique du stimulus négatif et à l’allocation des ressources attentionnelles au traitement en cours. Contrairement au pattern attentionnel chez les dysphoriques, le traitement du stimulus négatif semble favoriser les processus liés à la demande de la tâche. C’est-à-dire qu’il ne s’agit pas simplement d’une interférence ou d’une distraction moins importantes que pour les autres stimuli émotionnels, comme le neutre ou le positif, mais il s’agit plutôt d’une facilitation du traitement en cours. Contrairement au traitement du stimulus négatif, ceux des stimuli positifs ou neutres interfèrent de manière plus ou moins importante avec les processus de traitement de la tâche principale. En particulière, le stimulus positif semble avoir une tendance à provoquer plus d’interférence chez les sujets normaux que le stimulus neutre ou négatif. Cet aspect suggère que les individus « normaux » allouent plus de ressources attentionnelles au stimulus positif. Par conséquent, le traitement du stimulus négatif peut induire une augmentation de l’allocation de ressources attentionnelles au traitement de la cible (le mode réactif de l’évitement attentionnel du stimulus négatif) tandis que le traitement du stimulus positif interfère avec le traitement de la cible chez des participants normaux.

Deuxièmement, concernant la structure de la tâche, l’effet du biais attentionnel lié à l’évitement du stimulus négatif semble apparaître plus souvent dans la tâche où il n’y a pas ou peu de compétition entre le traitement du stimulus émotionnel et celui de la cible. Mathews et MacLeod (2002) indiquent que le biais attentionnel chez les dysphoriques ne peut être observé que seulement dans la tâche où, au moins, deux composants du stimulus (un pour le stimulus négatif et l’autre pour le stimulus neutre) sont en compétition. La tâche de Stroop émotionnelle et la tâche d’écoute dichotique comportent bien toutes les deux cette dimension de compétition. L’effet de biais attentionnel est un parfait exemple qui illustre cette compétition et l’efficacité du traitement du stimulus négatif à l’encontre du contrôle attentionnel lié à la tâche principale chez les sujets dysphoriques.

En revanche, le pattern attentionnel chez les individus normaux n’apparaît que dans la condition où l’input du stimulus négatif n’entre pas directement en compétition avec l’input de la cible. Cet aspect peut aussi être illustré par la tâche de détection de sondes dans laquelle le stimulus négatif entre en compétition avec un stimulus neutre qui n’est pas non plus pertinent pour la tâche. Dans cette condition de compétition faible entre le traitement de la cible et celui du stimulus négatif, le pattern attentionnel de l’évitement du stimulus négatif semble apparaître plus facilement.

L’effet de l’émotion lié à l’évitement du stimulus négatif a disparu et ce processus s’est avéré interférer avec le traitement de la cible dans trois conditions liées à la présentation du stimulus émotionnel ou l’induction émotionnelle: la condition du temps de présentation de 60 msec, dans la fréquence d’apparition élevée du stimulus négatif et après l’induction émotionnelle avec les images négatives.

Ces conditions sont plus ou moins liées à l’augmentation de l’input ou du traitement du stimulus négatif et de la compétition entre le stimulus émotionnel et la cible. La condition de l’ISI de 0 msec entre le stimulus négatif et la cible dans l’expérience 3 peut en effet augmenter directement la compétition des processus et faire disparaître l’effet d’inhibition à l’égard du stimulus négatif mais cette condition ne semble pas être associé à l’augmentation de l’input du stimulus négatif. Il semble plutôt impliquer une simple absence du mode d’évitement à l’égard du stimulus négatif. Cette tendance suggère que le processus de l’inhibition du stimulus négatif et la facilitation de traitement du stimulus cible peut nécessiter un minimum de temps pour s’exécuter.

Ces données indiquent que contrairement au pattern de la vigilance attentionnelle au stimulus négatif chez les sujets dysphoriques, le pattern attentionnel de l’évitement chez les individus normaux n’apparaît seulement que dans la condition où l’input du stimulus négatif est traité sans interception par le processus de la cible et la compétition entre les processus du stimulus émotionnel et de la cible demeure faible.