2.3. Localisation cérébrale de la perception de la parole

2.3.1. Chez l’entendant

Le fait que l’information visuelle du discours influence le traitement automatique de l’information auditive (McGurk & MacDonald, 1976), mène à penser que le signal de la lecture labiale (information parlée visuelle) est traité par des structures du cerveau communes à celles impliquées dans le traitement du signal auditif (Summerfield, 1991).Il est communément admis que chez l’entendant, la perception de la parole auditive entraîne l’activation d’un réseau cortical comprenant les régions à l’intérieur des lobes temporaux latéraux. L’activation est latéralisée au niveau de l’hémisphère gauche. La question que l’on se pose est alors de savoir si les mêmes régions sont activées lors de la présentation de stimuli en lecture labiale sans apport d’information auditive. Les travaux de Calvert et al. (1997) ainsi que ceux de MacSweeney et al. (2000, 2001) permettent de répondre de manière positive à cette interrogation. Par exemple, Calvert et al. (1997), en utilisant la technique d’imagerie par résonance magnétique (IRM), montrent que des structures communes (gyrus temporal supérieur, c’est-à-dire sur les aires auditives primaires et associatives) chez l’entendant, sont activées au niveau du cortex auditif lorsque des items sont présentés non seulement à l’oral mais aussi en lecture labiale en l’absence de stimulus auditif. Cette activation est également observée lors de la présentation de pseudo-mots en lecture labiale ; ce qui n’est pas le cas lors de la présentation de simples mouvements d’ouverture et de fermeture de la bouche. Les auteurs en concluent que la lecture labiale influence l’audition de parole à un niveau très précoce dans le traitement, c’est-à-dire au niveau pré-lexical.

Il semble donc que la parole perçue uniquement via la modalité visuelle engendre l’activation de parties communes au traitement de la parole perçue à l’oral. La perception de la parole pourrait-elle impliquer une activité amodale, suggérant que les informations auditives et visuelles seraient traitées simultanément et ne seraient pas dissociées ? Le fait d’une part que la parole audio-visuelle est plus efficacement traitée que la parole entendue seulement (Massaro, Cohen, & Gesi, 1993) et d’autre part que la parole audiovisuelle naturelle génère une plus grande activation à l’intérieur du cortex auditif secondaire (Wright et al., 2003)que la parole entendue en l’absence de vision (Calvert et al., 1999) conforte cette idée.