3. 2. Aide manuelle à la lecture labiale : le Langage Parlé Complété

3.2.1. Description

Elaboré par le docteur Cornett (1967), ce système d’aide à la perception de la parole permet de rendre visible tous les contrastes phonologiques de la langue orale à l’aide de clés manuelles, non signifiantes, accompagnant la lecture labiale.C’est la combinaison de l’image labiale et de la clé qui permet une réception complète du message oral. Deux paramètres composent une clé manuelle : la configuration et la position de la main autour de la bouche. La main peut adopter plusieurs configurations (8 en français et en anglais) et être positionnée à différents endroits autour de la bouche (cinq en français et quatre en anglais). Les configurations de la main lèvent l’ambiguïté délivrée par les phonèmes consonantiques articulés et les positions, l’ambiguïté délivrée par les voyelles articulées. Les consonnes et les voyelles ont été groupées en ensembles indépendants de 1 à 3 items ; à chaque ensemble correspond une configuration ou une localisation spécifique. Ces paramètres (configuration et position de la main) ont été attribués au groupe de consonnes ou de voyelles de manière à ce que les items partageant la même forme de la main ou la même position spécifique soient clairement distincts en lecture labiale et de façon à ce que les items difficiles à discriminer appartiennent à des groupes différents (cf. Annexe 1). Par exemple, les phonèmes consonantiques bi-labiaux /p/, /b /, /m/, qui ont une image labiale identique sont accompagnés de trois configurations manuelles différentes, tandis que les phonèmes /p/, /d/ , /j/ qui sont plus faciles à discriminer en lecture labiale partagent la même configuration de la main. Pour les voyelles, les phonèmes vocaliques /o/, /ô/ requièrent deux positions différentes de la main et les phonèmes /i/, /ŏ /, ă/, une position identique.

Chaque fois que le locuteur prononce une syllabe de type consonne-voyelle (ca), une clé (configuration particulière de la main à une position spécifique) informant des caractéristiques phonémiques de cette syllabe est produite simultanément. Une clé isolée supplémentaire est nécessaire lorsqu’il s’agit de produire une syllabe orale de type VC (ar), CCV (cra) ou CVC (car).

Ainsi, l’intégration d’une information orale et manuelle permet de percevoir une représentation phonologique simple et non ambiguë que l’enfant ne peut acquérir à partir d’une seule source (voir Leybaert & Alegria, 2003, pour une description plus détaillée).

Le codeur parle ainsi en même temps qu’il code l’ensemble des phonèmes par ces clefs gestuelles. Au début, le rythme est fortement ralenti mais ensuite au fur et à mesure de l’apprentissage du codeur, le rythme d’énonciation s’accélère jusqu’à devenir quasiment semblable à celui d’une parole naturelle. L’enfant sourd reçoit alors un message phonétique intégral à la condition qu’il regarde le codeur. Les aspects suprasegmentaux de la parole, mélodie et prosodie, ne sont pas codés mais ils peuvent être perçus soit par les informations acoustiques de la prothèse auditive soit par les indices faciaux des expressions accompagnant l’élocution du locuteur. Cette méthode permet ainsi à l’enfant de percevoir un message linguistique de langue orale intégralement et de le mettre dans des conditions optimales d’apprentissage du langage oral. Toutefois si le LPC permet une amélioration considérable de la reconnaissance du message oral (Leybaert et al., 1998), ce système ne semble pas avoir d’influence sur la production de la parole (Charlier & Leybaert, 2000 ; Gathercole & Martin, 1996 ; Ryalls, Auger, & Hage, 1995).

Limites

Il est important toutefois de souligner que la pratique de ce code nécessite un effort de la part des parents, ainsi qu’une capacité de nature métalinguistique qu’un certain nombre de familles ne peut acquérir du fait de leur niveau socio-intellectuel, de leurs difficultés linguistiques ou bien encore de leur appartenance culturelle. La capacité à analyser sa propre parole en termes de phonèmes,peut être facile pour certains parents alors que cela ne peut être le cas pour d’autres, en particulier pour la plupart des familles de migrant. L’utilisation du LPC demande également une attention sur la bouche du codeur qui peut être difficile pour les enfants présentant des difficultés d’attention, ou des troubles visuels ou encore des problèmes de nature psychologique. Par ailleurs, il existe des centres où le LPC est utilisé dans des conditions particulières d’apprentissage de la parole en rééducation individuelle mais où le reste de la communication s’effectue en langue des signes ou en français signé. Cette utilisation restreinte du LPC à l’apprentissage de la parole ou de la lecture semble d’une grande efficacité mais il est alors nécessaire que l’enfant comprenne bien la différence entre ce type de clefs d’appoint à la lecture labiale et les gestes signifiants de la langue des signes.