II. Complément d’informations : étude de compétences spécifiques

Afin d’obtenir une description plus précise de notre population et compte tenu des données relevées dans la littérature quant aux variables inter individuelles pouvant avoir une influence sur le développement des habiletés phonologiques ainsi que sur l’acquisition du code écrit, des épreuves testant respectivement (1)l’intelligence non verbale, (2) le vocabulaire et les compétences orales ((3) intelligibilité de la parole et (4) perception de la parole) des enfants ont été administrées soit en troisième maternelle ou durant les deux années de primaire.

Nos différentes prédictions sont les suivantes : (1) Aucun trouble associé à la surdité n’ayant été diagnostiqué, aucune différence significative entre les différents groupes ne sera observée sur le niveau d’intelligence non verbale. (2) Le niveau de vocabulaire des enfants sourds éduqués dans un environnement oraliste est largement décrit dans la littérature comme étant faible (Bishop & Gregory, 1986 ; Burden & Campbell, 1994 ; Hine & MacDonald, 1974 ; Meadow, 1980). En raison des difficultés à percevoir tous les contrastes de la langue orale, ces derniers auraient du mal à stocker en mémoire des représentations phonologiques précises. De nombreux mots seraient stockés comme des mots homophones et non comme des mots distincts. Par exemple, « jambon » et « chapeau » présentent la même image labiale. Sans apport d’un contexte spécifique, l’enfant ne pourrait pas différencier ces deux mots. En revanche, nous pouvons supposer que les enfants sourds exposés au LPC de façon précoce et intensive auront un meilleur niveau de vocabulaire que les autres enfants sourds et que ce niveau ne différera pas de celui des enfants entendants. Ceci, compte tenu du fait que ces derniers sont supposés recevoir dès leur plus jeune enfance un message oral complet et spécifié. (3) En ce qui concerne le niveau de compétences orales, nous nous attendons à n’observer aucune différence significative entre les différents groupes d’enfants sourds sur le niveau d’intelligibilité de la parole. Si l’on se réfère aux observations de Conrad (1979), le niveau d’intelligibilité est généralement corrélé au niveau de degré de surdité : nos enfants sont atteints de déficiences auditive sévère et profonde et sont répartis de façon proportionnelle sur les différents groupes. Ce qui est vrai également pour les enfants munis d’un implant cochléaire. Le port d’un implant cochléaire pourrait faciliter le développement d’une parole intelligible, cependant les enfants de notre population sont jeunes, testés en troisième maternelle et pour la plupart, la pose de l’implant s’est faite récemment. Or, le bénéfice possible de cette prothèse ne serait vraiment visible que 18 à 24 mois suivant l’opération. Par ailleurs, en ce qui concerne les enfants sourds exposés précocement au LPC, il a été montré que l’apport du LPC n’est pas significatif sur le niveau d’intelligibilité de la parole (Charlier & Leybaert, 2000). (4) En revanche, en ce qui concerne la perception de la parole, nous nous attendons à observer de meilleurs performances chez ce dernier groupe comparativement aux autres enfants sourds dont la nature de l’entrée phonologique est moins spécifiée de façon précoce.