1. En troisième maternelle (M3) : traitement épi-phonologique

La tâche de jugement de similarité phonologique était inspirée de la tâche de détection de l’intrus de Bradley et Bryant (1983) et par son adaptation imagée de Harris et Beech (1998). Notre version consistait à présenter une image à l’enfant (le modèle) puis deux autres images : la cible et un item distracteur. L’enfant devait choisir l’image présentant un son final similaire à celui de la cible. Afin d’obtenir davantage d’informations sur les stratégies utilisées par les enfants sourds, nous avons élaboré deux catégories de distracteurs : l’item distracteur c’est-à-dire l’item qui ne rime pas avec le modèle était soit très différent du point de vue articulatoire de l’item cible (exemple : modèle : château /∫a/– cible : manteau /mặto/– distracteur : fusée /fyze/) soit très proche au niveau de la rime (exemple : modèle : landau /lặdo/– cible : radeau /rado/ – distracteur : bijou /biзu/). Si les représentations phonologiques des enfants sourds ont une origine principalement dérivée de la lecture labiale, l’identification de la cible devrait être plus difficile lorsque la cible et le distracteur partageront la même image labiale finale, suggérant ainsi que les images labiales aideraient les enfants sourds à détecter les similitudes phonologiques finales des mots. Ainsi nous attendons des scores plus élevés quand le distracteur est labialement distinct de la cible que lorsqu’il en est proche chez les enfants sourds. Compte tenu du fait que le LPC a pour fonction de lever l’ambiguïté délivrée par la lecture labiale, l’effet de similitude labiale pourra être moins important chez les enfants exposés au LPC, en particulier les enfants sourds LPC-M (Charlier & Leybaert, 2000 ; Sterne & Goswami, 2000). Deux catégories de cibles ont été également constituées de sorte que dans 50% des cas, l’item cible comprenait une syllabe finale commune avec le modèle (exemple : modèle : château – cible : manteau) et dans l’autre cas, l’item cible avait la même rime que le modèle (exemple : modèle : sabot – cible : rideau). Un effet du type d’Unité linguistique sur l’habileté à juger des similitudes phonologiques était attendu. Le fait que la conscience syllabique se développerait très tôt chez les enfants entendants, à l’âge de 3-4 ans (Liberman et al., 1974), nous a amené à prédire que tous les groupes, sourds et entendants détecteront plus facilement l’item cible lorsque celui-ci partage l’unité syllabique que lorsqu’il partage uniquement la rime.

La tâche de génération de rimes était inspirée par les tests de Lecocq (1991). Nous avons demandé aux enfants de générer des mots rimants avec chaque dessin modèle proposé.

Pour les deux tâches 1 , un haut niveau de réponses correctes était attendu pour les participants ayant accès à des représentations phonologiques précises. Ce serait vraisemblablement le cas des enfants entendants. La question principale était de savoir si cela serait également le cas des enfants sourds ayant bénéficié d’une exposition précoce au LPC. Si ces enfants développaient des représentations phonologiques abstraites via une entrée visuelle spécifiant tous les contrastes phonologiques, ils pouvaient présenter les mêmes caractéristiques que les enfants entendants et montrer des différences par rapport aux autres enfants sourds (Oral et LPC–E) dont les représentations phonologiques sont inadéquates et plus dépendantes de l’entrée labiale.

Notes
1.

Ces deux tâches (jugement de similarité phonologique et génération de rimes) ont fait l’objet d’une étude préliminaire (Paire-Ficout, Colin, Magnan, & Ecalle, 2003).