II. Habiletés en lecture

Trois épreuves de lecture ont été administrées au cours de la première (P1) et seconde primaire (P2). Un test d’identification de mots écrits (Ecalle, 2003) en P1 et P2, une tâche de recodage phonologique (Gombert, 1997) 3 en P2 et un test de compréhension en lecture (Lobrot, 1973) en P2. La passation de ces épreuves avait pour visée d’examiner non seulement la capacité des enfants sourds à utiliser les règles de correspondances graphème-phonème mais aussi leur niveau de compréhension en lecture et enfin l’automaticité de leur lecture (les deux dernières épreuves devant être réalisées durant un temps limité).

Ces données seront interprétées dans la perspective du double apprentissage de la lecture, décrit par Gombert (in press) qui attribue un rôle central aux apprentissages implicites dans l’automatisation de la lecture. En s’appuyant sur ce modèle, trois profils différents de lecteurs sourds peuvent être envisagés. Ces profils varieront en fonction de l’organisation phonologique en mémoire des enfants sourds. Chez les enfants sourds Oral, cette organisation phonologique peut s’avérer être insuffisante dans le sens où ces derniers développent des représentations phonologiques sous spécifiées du fait qu’ils sont exposés principalement à la lecture labiale. Celle-ci ne leur permet pas l’accès à l’ensemble des contrastes phonologiques de la langue orale. En conséquence, ils maîtriseront difficilement le décodage grapho-phonologique et le traitement automatique de ces correspondances ne pourra donc pas s’installer par apprentissage implicite. La seule procédure de lecture qui leur sera disponible est la reconnaissance logographique des mots connus. Cette procédure ne permettant pas la mémorisation des mots non associés individuellement à une signification, le déficit du décodage se doublera d’une négligence des mots grammaticaux rendant difficile la compréhension en lecture. Chez les enfants sourds LPC-E qui ont accès à l’ensemble des contrastes phonologiques de la langue orale via l’apport du LPC à la lecture labiale, l’analyse des mots en phonèmes sera possible. Ces derniers pourront donc développer une bonne capacité de décodage grapho-phonologique. Cependant, encore du fait initial des organisations phonologiques en mémoire, ils n’installeront pas les automatismes correspondants. La lecture de ces enfants sera plus ou moins circonscrite au décodage intentionnel. De fait du coût attentionnel de ce type de lecture, ces lecteurs auront des difficultés à varier leurs stratégies et à adopter des procédures plus économiques quand ils rencontreront des mots qu’ils pourraient reconnaître sans décodage contrôlé. En revanche, chez les enfants sourds LPC-M qui ont été exposés très tôt et intensivement à une information phonologique pleinement spécifiée, l’organisation phonologique en mémoire peut être satisfaisante et permettre, contrairement aux enfants sourds LPC-E, l’installation des automatismes de lecture. Comme chez les enfants entendants normo-lecteurs, ils pourront varier leurs stratégies de lecture en adoptant des procédures plus économiques quand ils rencontreront des mots qu’ils pourront reconnaître sans décodage contrôlé.

Notes
3.

Tâche élaborée par Gombert dans le cadre d’une évaluation nationale de grande ampleur sur les enfants rentrant en classe de 6ème (épreuve nationale de français de 1997). Référence non disponible (DEPMEN).