1.1.4. Résultats

1.1.4.1. Nombre de réponses correctes pour les graphèmes dominants et non dominants

Le nombre moyen de réponses correctes graphémiques en fonction de la dominance des items et de leur fréquence est indiqué dans le Tableau 24 :

Tableau 24 : Nombre moyen de réponses correctes (max : 9) en fonction de la dominance des graphèmes (dominant vs non dominant) et de la fréquence des mots dans lesquels les graphèmes sont inclus (haute, moyenne, basse) –entre parenthèses, les écarts types-
  Fréquence Haute Fréquence moyenne Fréquence basse
  GD GND GD GND GD GND
Oral 7.40
(2.10)
6.04
(6.05)
5.46
(3.34)
4.60
(2.61)
3.58
(2.34)
1.41
(1.72)
LPC-E 7.90
(2.50)
5.66
(3.00)
5.10
(1.85)
5.31
(2.81)
4.14
(2.22)
2.04
(1.11)
LPC-M 8.43
(0.79)
6.13
(3.57)
7.71
(1.24)
5.73
(2.70)
6.70
(3.24)
3.19
(2.46)
Entendant 8.69
(0.70)
7.05
(1.59)
8.03
(0.98)
6.19
(1.67)
7.92
(1.18)
4.24
(2.30)

Une analyse de variance (Anova) mixte a été réalisée sur le nombre de réponses correctes graphémiques, avec le facteur Groupe comme facteur inter-sujets (Oral, LPC-E, LPC-M et Entendant), et les facteurs Dominance (dominant vs non dominant) et Fréquence (haute, moyenne, basse) comme facteurs intra-sujets. Cette analyse révélait un effet significatif du facteur Groupe, F(3,38)=5.15 ; p=.004. Une analyse Post hoc (HSD n différents, p<.05) indiquait que les performances des enfants entendants (m=7.02) étaient significativement plus élevées que celles des enfants sourds Oral (m=4.75). Aucune différence significative n’a été observée ni entre les trois groupes d’enfants sourds (Oral, LPC-E (m=5.02) et LPC-M (m=6.31)), ni entre les deux groupes d’enfants sourds exposés au LPC et le groupe Entendant. Comme attendu, un effet significatif du facteur Dominance a été observé, F(1,38)=48.91 ; p<.0001 ; les graphèmes dominants (m=6.75) étaient mieux orthographiés que les graphèmes non dominants (m=4.80). Nous avons également observé un effet significatif du facteur Fréquence, F(2,76)=99.15 ; p<.001 ; les performances étaient significativement plus élevées pour les graphèmes inclus dans des mots de haute fréquence (m=7.16) que dans des mots de moyenne fréquence (m=6.02) et de basse fréquence (m=4.15), et plus importantes pour des graphèmes inclus dans des mots de moyenne fréquence que dans des mots de basse fréquence (p=.0001, pour toutes les différences entre fréquences). Deux interactions étaient observées : Groupe x Fréquence, F(6,76)=4.75 ; p=.0004 et Fréquence x Dominance, F(2,76)=8.57 ; p=.0004 : l’effet de fréquence est plus marqué pour les groupes d’enfants sourds Oral et LPC-E : pour ces groupes, le nombre de réponses correctes (respectivement : m=6.73 ; m=6.78) était supérieur dans les mots de haute fréquence que pour les mots de moyenne fréquence (respectivement, m=5.03 ; m=5.20) (marginalement chez les enfants sourds LPC-E, p=.08) et de basse fréquence (respectivement : m=2.50 ; m=3.09) ; ce nombre différait significativement aussi entre les mots de moyenne et basse fréquence. En revanche, pour les groupes d’enfants entendants et sourds LPC-M, le nombre de réponses correctes ne différait pas entre les mots de haute et moyenne fréquence ; la différence était significative entre les autres fréquences (marginalement, p=.09 entre les fréquences moyenne et basse chez les enfants entendants). Lorsqu’il s’agit d’orthographier des graphèmes inclus dans des mots de haute fréquence, les quatre groupes de participants ne présentaient pas de différence significative ; en revanche, pour orthographier les graphèmes inclus dans des mots de moyenne fréquence, des différences apparaissaient entre les groupes ; les performances des enfants sourds LPC-M (m=6.72) et entendants (m=7.11) différaient significativement de celles des enfants sourds Oral (m=5.03) (respectivement, p=.04 ; p=.0001). Seul le groupe d’enfants entendants différait significativement des enfants sourds LPC-E (m=5.20) (p=.01). Les enfants sourds LPC-E montraient des performances qui ne différaient pas de celles des enfants sourds Oral (p=1) et LPC-M (p=.11). Aucune différence significative n’était observée entre les enfants sourds LPC-M et entendants (p=.99). Lorsqu’il s’agit d’orthographier des graphèmes inclus dans des mots de basse fréquence, les performances des enfants sourds LPC-M (m=4.94) et entendants (m=6.08) étaient significativement plus élevées que celles des enfants sourds Oral (m=2.50) et LPC-E (m=3.09). Aucune différence significative n’était observée ni entre les enfants sourds Oral et LPC-E (p=.97), ni entre les enfants sourds LPC-M et entendants (p=.24). Les interactions : Groupe x Dominance (p=.30) et Groupe x Fréquence x Dominance (p=.37) n’étaient pas significatives.

Deux profils possibles ?

En dépit du fait qu’il n’était pas apparu de triple interaction, nous avons délibérément conduit d’autres analyses afin d’examiner et de tenter de répondre avec plus de précision aux hypothèses posées. Nous avions émis l’existence possible de différents profils de scripteurs, d’une part ceux qui utilisaient les correspondances graphème-phonème et ceux qui ne les utilisaient pas. Nous avions supposé que les enfants sourds LPC-M, tout comme les enfants entendants correspondraient au premier profil et les autres enfants sourds (Oral et LPC-E) au second profil, compte tenu du fait que leurs représentations phonologiques seraient plus pauvres, plus incomplètes que celles des enfants sourds LPC-M qui bénéficient d’une entrée phonologique adéquate depuis leur petite enfance. Pour mener à bien cette recherche, quatre analyses de la variance (Anova) ont été réalisées sur le nombre de réponses correctes graphémiques pour chaque groupe avec les facteurs Dominance graphémique et Fréquence des mots comme facteurs intra-sujets. Nous pensons que ces analyses sont indispensables pour répondre de manière précise à nos hypothèses.

Conformément à nos hypothèses, l’analyse menée sur le nombre de réponses correctes graphémiques chez les enfants entendants indiquait que ces derniers présentaient le profil 1 : les observations étaient les suivantes : 1/un effet significatif du facteur Dominance graphémique, F(1,25)=33.07 ; p=<.0001 : les scores étaient significativement plus importants pour les graphèmes dominants (m=8.21) que pour les graphèmes non dominants (m=5.83) ; 2/ un effet significatif du facteur Fréquence des mots, F(2,30)=28.57 ; p<.001 : les graphèmes inclus dans des mots de haute fréquence (m=7.87) étaient mieux orthographiés que ceux inclus dans des mots de basse fréquence (m=6.08) ; 3/ une interaction significative entre les facteurs Dominance graphémique et Fréquence, F(2,30)=6.60 ; p=.004 : l’effet de fréquence était moins élevé pour les graphèmes dominants que pour les non dominants. Plus précisément, les scores sur les graphèmes dominants ne différaient pas significativement quel que soit le niveau de fréquence des mots dans lesquels ils sont inclus ; alors que les scores sur les graphèmes non dominants différaient significativement entre le niveau de basse fréquence et les deux autres niveaux (moyenne et haute) ; les scores dans ces deux derniers niveaux ne différaient pas significativement. Dans chaque niveau de fréquence des mots, les scores sur les graphèmes dominants étaient significativement plus élevés que pour ceux des graphèmes non dominants.

L’analyse menée sur le nombre de réponses correctes graphémiques chez les enfants sourds LPC-M révélait d’une part, 1/ un effet significatif du facteur Dominance graphémique, F(1,6)=6.24 ; p=.04 : les scores étaient significativement plus importants pour les graphèmes dominants (m=7.61) que pour les graphèmes non dominants (m=5.02) ; et d’autre part, 2/ un effet significatif du facteur Fréquence des mots, F(2,12)=16.44 ; p=<.001 : les graphèmes inclus dans des mots de haute fréquence (m=7.28) étaient mieux orthographiés que ceux inclus dans des mots de basse fréquence (m=4.94) ; en revanche, 3/ aucune interaction significative entre les facteurs Dominance graphémique et Fréquence des mots n’a été relevée (p=.27) : l’effet de fréquence n’était pas moins élevé pour les graphèmes dominants que pour les non dominants.

Les deux autres groupes d’enfants sourds présentaient un pattern de données quasi-similaire, à savoir : pour les enfants sourds LPC-E, 1/ un effet significatif du facteur Dominance graphémique, F(1,6)=18.40 ; p=.005 : les scores étaient significativement plus importants pour les graphèmes dominants (m=5.71) que pour les graphèmes non dominants (m=4.34) ; et 2/ un effet significatif du facteur Fréquence des mots, F(2,12)=24.52 ; p=<.0001 : les graphèmes inclus dans des mots de haute fréquence (m=6.78) étaient mieux orthographiés que ceux inclus dans des mots de basse fréquence (m=3.09) ; et 3/ une interaction marginalement significative entre les facteurs Dominance graphémique et Fréquence des mots, F(2,12)=3.64 ; p=.06 : contrairement aux enfants entendants, pour chaque niveau de fréquence des mots, les scores entre les graphèmes dominants et les graphèmes non dominants n’étaient pas significativement différents. De plus, les scores sur les graphèmes dominants sont significativement plus importants pour le niveau de haute fréquence des mots que pour les autres niveaux de fréquence (moyenne et basse). De manière similaire aux entendants, les scores sur les graphèmes non dominants différaient significativement entre le niveau de basse fréquence et les deux autres niveaux (moyenne et haute) ; les scores dans ces deux derniers niveaux ne différaient pas significativement.

L’analyse effectuée sur le nombre de réponses correctes graphémiques chez les enfants sourds Oral révélait 1/ un effet significatif du facteur Dominance graphémique, F(1,11)=14.69 ; p=.003 : les scores étaient significativement plus importants pour les graphèmes dominants (m=5.48) que pour les graphèmes non dominants (m=4.01) ; et 2/ un effet significatif du facteur Fréquence des mots, F(2,22)=36.55 ; p<.0001 : les graphèmes inclus dans des mots de haute fréquence (m=6.73) étaient mieux orthographiés que ceux inclus dans des mots de basse fréquence (m=2.50) ; 3/ aucune interaction significative entre les facteurs Dominance graphémique et Fréquence des mots n’a été relevée (p=.25) : l’effet de fréquence n’était pas moins élevé pour les graphèmes dominants que pour les non dominants.