f - UNE TRANSFORMATION QUI PEUT S’OBSERVER

Nous avons précisé que le projet institutionnel s’appuyait sur une durée de séjour d’un mois en moyenne. D’emblée on pourrait craindre qu’un temps aussi court ne rende difficile l’observation nécessaire à une telle recherche. Or notre matériel, en dehors des évidentes limites liées à une durée de travail aussi courte, montrera que des positions psychiques contrastées se succèdent chez ces jeunes filles au cours de leur placement, positions qui ne vont certes pas toutes dans le sens de la secondarisation, mais qui illustrent suffisamment à notre avis ce que nous nous sommes proposé d’évoquer dans ces pages.

D’autre part certaines situations de fin de séjour entraînent, sur le plan méthodologique, une difficulté dans notre recueil de matériel. En effet il n’est par définition pas possible de reprendre les déterminants d’un départ impulsif et sans négociations, pour une jeune fille soudainement absente des entretiens prévus. Nous devons d’ailleurs souligner que les départs de cette nature ne sont pas rares pour les situations de jeunes filles accueillies sur de telles indications de violences familiales, et probablement plus courants en comparaison des autres situations accueillies.

Nous ne pouvons évidemment pas laisser de côté ce qui peut appartenir à un échec de la tentative d’autonomie, comme si nous nous intéressions à la révolte et non à son affaiblissement. D’ailleurs cette solution impliquerait que nous puissions nettement différencier ce qu’il en est de cette tentative et ce qui ressortit de son échec, ce qui serait supposer que cette différenciation ait un sens.

Alors comment problématiser une telle torsion ? Nous désintéresser des prises en charge se terminant de cette manière ne se justifierait pas plus sur le plan méthodologique, une telle interruption du placement ayant sans doute une fonction dans l’économie de la séparation familiale elle-même. Partir de chez elles, pour un certain nombre d’adolescentes, comprend des conditions psychologiques qui rendent cette tentative momentanément trop complexe, cette complexité entrant pleinement dans la dynamique psychique construite par l’agressivité ambiante ; nous voulons parler là de la dépendance à cette dernière.

Enfin notre hypothèse suppose que nous n’excluons pas le fait que le dispositif d’accueil et de symbolisation puisse être, dans un certain nombre de cas, inadapté à ces problématiques de violences familiales. Notre accompagnement, porteur de cette observation active dont nous parlions il y a quelques lignes, et tant dans sa dimension de réalité éducative quotidienne que dans ses aspects de mobilisation psychique, peut se présenter alors comme insuffisamment contenant pour des jeunes filles ayant vécu un environnement antérieur massivement intrusif. Cela reste toutefois une conjecture que nous reprendrons le moment venu.