I - 3 - 2 - Quelques précisions préalables

a - TOUCHER SON ENFANT

Cette introduction nous amène à évoquer préliminairement ce qu’il en est du « toucher » dans l’éducation des enfants ou des adolescents. A l’origine de cette question, le propos d’un père affirmant n’avoir "jamais touché ses enfants", alors que nous échangions avec lui au sujet des punitions corporelles. Une polysémie du mot « toucher » apparaît dans ce propos en ce qu’elle articule un souci éducatif positivement connoté (« frapper les enfants les traumatise ») et une dimension défensive face au risque incestueux suscité par la proximité physique (« attoucher les enfants les détruit psychiquement »).

Mais le toucher est quelquefois aussi nécessaire qu’il peut sembler tabou dans les deux sens précédents. Car comment penser la prise en charge du bébé sans penser au nécessaire contact physique pour constituer son expérience d’un corps limité, et ainsi de son narcissisme de base ? Comment imaginer les manifestations affectives croisées des enfants avec leurs parents sans les traduire par des touchers sensibles et contenants ? Comment concevoir une butée dans les interdits apportés à l’enfant qui découvre, sinon en accompagnant par quelque empêchement physique ce que la parole échoue à produire en lui de limitation pulsionnelle ?

Ainsi serons-nous conduit dans ce préalable à poser l’idée suivante : le toucher ne présente en tant qu’expérience tactile aucune valeur a priori positive ou négative. Suivant les circonstances, qui comprennent les désirs en jeu chez ceux qui donnent et reçoivent les coups, il y a des touchers symboligènes, et il y a des touchers désorganisateurs.

Et en précisant que nous allons ici à l’extrême de ce que l’on peut encore appeler un toucher, nous devons conclure ce point par une idée qui comporte sa part de risque épistémologique : les coups ne produisent pas a priori une désorganisation.