d - L’AGRESSIVITE COMME ORGANISATRICE

Pour notre part, nous dirons qu’un comportement agressif est une tentative d’organisation de la violence interne, cette dernière initialement brute et en lien avec la pulsionnalité. Du côté de celui qui frappe, l’agressivité serait ainsi une tentative de mise en représentation, un passage par l’acte à finalité de liaison secondaire.

Dans un sens identique à celui de la différenciation punition/sadisme, la dimension d’une agressivité de l’objet se représente pour celle qui reçoit les coups quand ceux-ci participent d’une continuité relationnelle et éducative (une représentation surmoïque). Ces attitudes sont vécues comme une violence sadique lorsqu’elles fracturent la relation parent-enfant et qu’elles témoignent d’une négation des besoins de sécurité et de cadre que « réclame » l’adolescence. Les jeunes filles que nous citerons infra nous ramènent à cette dernière catégorie.

C’est pourquoi nous dirons que l’agressivité agie par un parent contre sa fille peut aussi traduire une forme d’intérêt pour celle-ci, et que les coups, comme un toucher symboligène, garantissent alors qu’une relation existe. A ce sujet P. JEAMMET avance le fait que l’agressivité « s’inscrit - du fait même de sa liaison avec la libido - dans un travail de liaison, alors que la violence traduit un mouvement de désobjectalisation, c’est-à-dire la perte du lien avec l’objet… » [1997, p7]. Cette nuance permettrait de désigner d’autres cas - et nous devons dire que notre clinique est massivement référée à ceux-là - dans lesquels les adolescentes fantasmeraient une violence destructrice (donc « sans liaison avec la libido »). Ainsi essaierons-nous de montrer que ces représentations de violence entrent dans une nécessité narcissique à l’adolescence, parce qu’elles peuvent servir un projet anti-objectal et anti-parental défensif face à de telles expériences de rapproché physique.

En deçà de toute élaboration, nous choisirons, tout au long de ce travail, d’utiliser descriptivement le terme de violenceau sens de la violence physique pour qualifier les coups portés sur le corps de l’adolescente, avec ou sans objet intermédiaire (chaussure, ceinture, élément de mobilier, ou à mains nues, gifles, coups de poing ou de pied), laissant ou non des traces sensibles et donnant éventuellement lieu à des soins médicaux. La violence fantasmatique est une des formes avec lesquelles ces coups se représentent pour ces jeunes victimes.