1 - 3 - 3 - Les transformations corporelles

a - PUBERTE ET ADOLESCENCE

Nous ne développerons pas les caractéristiques physiologiques de la puberté, dont croissance et caractères sexuels secondaires sont les constituants principaux. Nous devons cependant dire d’emblée que si les seconds et leurs déterminants biologiques sont évidemment au centre des processus qui justifient que l’on parle de resexualisation pour cet âge de la vie, la croissance est pour beaucoup dans les attitudes adolescentes centrées sur le corps propre. Le ça, le moi et le surmoi sont déjà sollicités par cette éclosion biologique dialectique, et ceci avant toute adaptation du sujet.

Dès ici, nous centrerons notre évocation sur la puberté et l’adolescence des filles, s’agissant de notre clinique spécifique.

L’apparition des seins, et environ un an plus tard celle des premières règles constituent les signes majeurs de la puberté féminine. Les formes physiques qui accompagnent la croissance peuvent être mises en valeur par l’adolescente dans un but de séduction. F. DOLTO écrit qu’à cette époque, « le corps est investi en tant que corps phallique plastique… » [1982, p98], et c’est une image déguisée que la jeune fille contemple dans son miroir. Cette expérience de transformation et de découverte est vécue bien différemment selon la manière dont l’idéal du moi et le surmoi de l’adolescente reçoivent ces tentatives de modification des investissements narcissiques et objectaux, parce que ces mouvements de séduction entrent en résonance avec le matériel œdipien résiduel.

On peut donc aussi bien observer des jeunes filles, dans la honte et la culpabilité dès les premiers signes tangibles de cette féminité, cacher leurs formes naissantes sous d’amples vêtements, ou des allures de « garçonne » parfois trompeuses.

C’est dans un sens équivalent que C.-J. LUQUET-PARAT avance la chose suivante : « … un aspect du narcissisme féminin secondaire, du narcissisme corporel, peut être compris comme une défense à partir du désir trop angoissant d’être pénétrée ; le désir d’être désirée correspondant à une identification au phallus, ce qui est une manière de séduire, de pénétrer, de posséder, de réduire l’autre, de garder la mainmise et l’activité par rapport à lui. » [1964, p135] L’utilisation du corps prime dans cette attitude de séduction, laquelle a pour effet de qualifier le corps dans une relative altérité vis à vis du sujet.

Car le regard porté sur soi dans le miroir ainsi que la manière dont l’entourage renvoie une image de cette nouvelle silhouette constituent parallèlement un sentiment juvénile d’habiter un corps maintenant étranger. L’apparition de la puberté signe ainsi une expérience de perte et d’angoisse, qui se déploie progressivement sur quelques années, et qui est très nettement perte d’une partie de l’identité corporelle : « L’adolescent est un peu comme un aveugle qui se meut dans un milieu dont les dimensions ont changé » [A. HAIM, 1969, p230]. Les nouvelles sensations corporelles de l’adolescent peuvent ainsi le renvoyer au fait que le corps représente l’angoisse.