b - LA PERIODE DE LATENCE DANS LA DECOUVERTE DE FREUD

La notion de latence, du latin latens, « être caché », fait apparaître un processus d’occultation dans l’évolution psychologique. FREUD parle plus précisément dans les « Trois essais sur la théorie de la sexualité » d’une « période de latence sexuelle » [1905a, p69], ce qui donne déjà une indication sur ce qui est caché. Ainsi le statut métapsychologique de la période de latence réside d’abord dans son articulation aux notions d’inconscient et de sexualité infantile. Si c’est à W. FLIESS que FREUD doit ce terme précis 13 , il reste que l’idée d’une latence dans la vie de l’enfant « et sa rencontre dans l’expérience, sont choses absolument originales et qui ne peuvent se concevoir qu’à la condition d’admettre l’extension (FREUD dit parfois « la restauration ») de la notion de sexualité aussi bien que l’extension de la notion du psychique, et parallèlement, de découvrir le dynamisme mental, c’est-à-dire le conflit. » [C. DAVID, 1971, pp68-69] C’est précisément par la mise à distance du conflit portant sur le sexuel que se définira pour nous la période de latence, et l’amnésie infantile en est le vecteur sur le plan phénoménologique (C. CHILAND, 1978).

Ainsi, « de la cinquième année accomplie jusqu’aux premières manifestations de la puberté (vers la onzième année), on voit (…) se créer dans la vie psychique, aux frais de ces excitations fournies par les zones érogènes, des formations réactionnelles, des contre-puissances, comme la honte, le dégoût et la morale, qui s’opposent comme des digues à la mise en activité ultérieure des pulsions sexuelles. » [S. FREUD, 1908a, p145] A travers ce terme de digue, FREUD avance dans une conceptualisation du refoulement comme axe défensif central durant la période de latence.

Ces digues, FREUD les évoquait déjà en 1905 dans les Trois Essais, lors des passages consacrés à cette période : « … les forces qui plus tard feront obstacle aux pulsions sexuelles et telles des digues, limiteront et resserreront leurs cours (le dégoût, la pudeur, les aspirations morales et esthétiques) » [S. FREUD, 1905a, pp69-70], puis plus loin « …entrer en jeu des contre-forces, ou des réactions, qui, pour pouvoir réprimer efficacement ces sensations désagréables, établiraient les digues psychiques qui nous sont connues (dégoût, pudeur, morale). » [op. cit., p71] C’est pourquoi il ajoute que l’essentiel du travail de l’enfant de la latence est « la transformation de la sexualité infantile » [Ibid.]. Et même si FREUD n’utilise pas à ce moment précis les termes d’idéal du moi et de surmoi (qui n’apparaissent respectivement qu’en 1914 et 1923), on peut dire que ce sont ces instances qui conditionnent ce travail de transformation par l’expérimentation de nouvelles défenses ou voies de dérivation. D’ailleurs une de nos précédentes citations (« les forces qui… ») n’ouvre-t-elle pas autant à la représentation d’un barrage, incluant ses capacités distributives, qu’à celle d’une digue ? Resserrer le cours de la pulsion, c’est bien ainsi que FREUD décrit généralement la fonction de la sublimation, laquelle dérive l’énergie pulsionnelle vers d’autres buts que sexuels.

Terminer sur ce qu’écrit FREUD à ce sujet conduit à observer que la notion de latence est au cœur même de celle de « développement diphasé de la fonction sexuelle » [S. FREUD, 1923a, p63], qui inclut dans une même conception de l’évolution pulsions infantiles et puberté : « Le fait que le développement sexuel s’accomplit en deux poussées successives, autrement dit qu’il y a interruption par la période de latence, nous a paru digne d’une attention particulière. En effet, c’est là une des conditions qui permettent à l’homme le développement vers une civilisation plus élevée » [S. FREUD, 1905a, p150] 14 . Ici, c’est aussi un statut particulier de la latence qui parait se construire sous la plume de FREUD : trait d’union silencieux (au sens d’une absence de décharge pulsionnelle par l’acte) mais extraordinairement fécond (devoir se représenter les excitations pulsionnelles).

Notes
13.

« J’emprunte l’expression « période de latence sexuelle » à W. Fliess », peut-on lire dans les "Trois essais sur la théorie de la sexualité", note 44, p 178.

14.

Ajouté en 1920.