c - POURQUOI LA LATENCE ?

Mais à quoi articuler cette période de lente maturation succédant à la crise œdipienne ? En d’autres termes pourquoi la latence ? Si nous suivons FREUD dans son article de 1923 évoquant le déclin du complexe d’Œdipe, nous pourrions dire que la latence est d’abord déterminée par la disparition de l’organisation génitale phallique. Et comme il faut bien expliquer pourquoi cette modification a lieu à ce moment précis de l’existence, nous dirons que c’est une suite d’expériences de séparations et de pertes suffisamment symbolisées ainsi que l’éprouvé de la différence des sexes qui la rendent possible autour des six ans de l’enfant.

« Quand bien même ne surviendraient pas des événements comme ceux que nous avons mentionnés à titre d’exemple, inévitablement l’absence de la satisfaction espérée, l’incessante frustration de l’enfant désiré conduiraient le petit amoureux à se détourner de son penchant sans espoir. Ainsi le complexe d’Œdipe sombrerait du fait de son échec, résultat de son impossibilité interne. » [S. FREUD, 1923b, p117] A cette explication donnée comme une nécessité historique, FREUD fait succéder une autre hypothèse, chargée, elle, de prédétermination génétique: « …le complexe d’Œdipe doit tomber parce que le temps de sa dissolution est venu tout comme les dents de lait tombent quand poussent les dents définitives. » [Ibid.] Toutefois faut-il préciser que biologie et expériences à élaborer ne sont que des propositions de FREUD pour donner du contenu à la latence, plus que pour en expliquer l’apparition : « Il est assez indifférent que cela arrive à telle ou telle occasion ou qu’on n’arrive pas du tout à découvrir à quelle occasion. » [op. cit., p118]

Ouvrons ici une parenthèse : peut-on faire l’hypothèse que FREUD, en insistant sur cette notion de latence, a indirectement manifesté une certaine méfiance vis-à-vis du concept de puberté, parce que cette dernière a longtemps occulté l’existence d’une véritable sexualité infantile. « On s’était habitué en science à faire commencer la vie sexuelle avec la puberté, et l’on avait jugé les manifestations de la sexualité infantile comme des signes rares de précocité anormale et de dégénérescence. (…), et l’on se demanda avec étonnement comment il avait été possible de fermer les yeux sur tout cela. » [S. FREUD, 1923a, p61]

Et tout comme l’inventeur de la psychanalyse, dès 1897, démontre une grande prudence sur le rôle de la séduction parentale dans les symptômes névrotiques, d’abord privilégiée par erreur, la puberté ne peut se lire et se déchiffrer pour lui qu’orientée par le développement sexuel infantile : « Il faut attendre le temps de la puberté pour que celui-ci développe les pulsions sexuelles jusqu’à leur pleine intensité ; mais l’orientation de ce développement et toutes les dispositions afférentes sont déjà déterminées par l’épanouissement initial de la sexualité préalablement accompli dans l’enfance. » [op. cit., p63] Ce que FREUD décrit ici sous l’expression « développement diphasé de la fonction sexuelle » peut d’ailleurs être repris dans une vue de l’adolescence en tant que révélateur du passé (M. EMMANUELLI, 1994), ce que nous ressaisirons dans la suite de cette recherche.