d – L’ASPECT ECONOMIQUE

Lorsque FREUD écrit que le travail de cette période consiste à transformer la sexualité infantile, nous pouvons observer que son énoncé ne précise pas exactement ce qui est modifié, même si nous comprenons qu’il est probablement question de la qualité et du destin de l’énergie pulsionnelle. Son intensité diminue-t-elle durant la latence, sur un modèle biologique, ou cette période occasionne-t-elle plutôt des conduites spécifiques qui modifient l’apparence de cette intensité ? Ce point a son importance : c’est tout le contexte conflictuel caché de la période de latence et de l’apparition pubertaire qui en dépend.

FREUD nous donne un élément de réponse quand il écrit que « Pendant la période de latence, la défense contre la tentation de l’onanisme semble être considérée comme la tâche principale. » [S. FREUD, 1926, p36] Nous conclurons de cela que l’activité pulsionnelle n’aurait donc, à cette époque, pas ou peu affaibli son intensité ou, comme le dit M. KLEIN commentant ce propos de FREUD, « que la culpabilité opposée par l’enfant aux tendances du ça a acquis une puissance accrue. » [1932a, p125]

Aussi devons-nous articuler ce destin de l’énergie pulsionnelle pendant la période de latence à l’idée qu’apparaissent à cet âge d’autres modes de décharge, correspondant à d’autres types de plaisir pour l’enfant. Le fait que le temps de la latence soit occupé, au moins pour une longue partie initiale, par l’abandon du projet œdipien favorise, au nombre de ces modes, le passage par la création du roman familial. Nous réfléchirons au fait que cette activité anime les pulsions tout en les rendant inoffensives quant à leur réalisation motrice.

Mais ne devons-nous pas parallèlement évoquer la période de latence comme un temps de solidification de la fonction surmoïque ? Car le fait que l’enfant ne puisse connaître de véritable réalisation sexuelle peut entraîner répétitivement des débordements moteurs, et ainsi toute une disposition à l’agir comme mode de décharge privilégié. Parler du surmoi comme organisateur, c’est en rappeler aussi les équivalents réels constitués par le milieu de vie : « L’encadrement familial - c’est son rôle - va tenter de maintenir l’intensité des excitations auxquelles l’enfant est confronté à un niveau « contenable » et gérable en fonction de ses capacités ; il assure ou doit assurer une fonction pare-excitante. » [R. ROUSSILLON, 1999a, p12] Parallèlement l’environnement scolaire, dans toutes ses attentes explicites et implicites, répond aussi de cette charge vis-à-vis de l’enfant.

Dans cette situation d’immaturité et de contenance, l’enfant de la latence est en quelque sorte sommé, par l’extérieur comme par son instance surmoïque, de trouver un mode de réalisation adéquat. C’est dans les activités de pensée qu’il ou elle trouvera une voie de décharge : « Ce qu’il ne peut accomplir en acte, il va devoir se contenter de l’accomplir dans et par la seule représentation. Ce qui suppose que la représentation va devoir être découverte comme nouveau but pulsionnel : c’est ce qu’on appelle la sublimation. » [op. cit., pp12-13]

Refoulement et sublimation sont ainsi deux activités essentielles de la période de latence. Elles engagent bien toutes deux la fonction régulatrice du surmoi dans une visée d’interdiction pour le refoulement ou de transformation pour la sublimation. Notons que l’enjeu est bien ici la question de penser ou de ne pas penser, excluant l’acte comme mode de décharge de la tension sexuelle.