f - CE QUE PREFIGURE LA LATENCE

Pour répondre à cette question - quel est le destin de la latence dans l’adolescence ? - nous pouvons aussi nous interroger sur ce qui est préfiguré de l’adolescence durant la latence. Car l’enfant de six à onze ans n’est pas sans penser son destin maturatif, ni sans anticiper sur ce que son grandissement est susceptible de lui apporter.

C’est ce que E. KESTEMBERG développe autour de la thématique de la déception post-pubère consécutive à l’idéalisation que l’enfant de la latence avait produit à ce sujet. Prendre la période de latence comme une période d’attente amène ainsi cet auteur à dire que « l’adolescent va se conduire non pas en fonction de ce qu’il a été, ni de ce qu’il est aujourd’hui, ni de ce que sont ou ne sont pas ses parents, ni de ce que la Société lui apporte ou ne lui apporte pas - et souvent ne lui apporte pas -, mais en fonction de ce que imaginairement et inconsciemment il attendait, je dirais d’une « nouvelle vie », comme s’il était devenu lui-même nouveau. » [1980, pp524-525] Or on imagine bien que ce genre d’attente est tout d’abord déçue par le vécu adolescent, expliquant ainsi une classique morosité juvénile, qualifiée par E. KESTEMBERG de « « mornitude », (…)une sorte d’hyperlatence. » [op. cit., p525]

Cette déception, qui peut se comprendre comme consécutive à l’idéalisation infantile de la scène primitive, P. GUTTON l’évoque en écrivant que « L’enfant pubère croirait être en possibilité de décrypter les symboles énigmatiques de la sexualité adulte qui ont préformé son enfance. Il n’en est rien et cela n’est pas la moindre déception que provoque son évolution. » [1991, p31]

Nous ferons rejoindre cette idée par un autre point de vue de P. GUTTON, en 1987, qui accordait à la morosité la fonction de pouvoir « attaquer les objets extérieurs comme s’ils constituaient « la totalité de l’iceberg », comme s’ils pouvaient ainsi effacer les qualités redoutées de l’objet interne. » [p67] Nous verrons ces ennui et morosité qui saturent la relation objectale à l’adolescence comme des mouvements de retour à des modalités économiques de la latence, refusant ou « effaçant », en quelque sorte, le travail représentatif de l’adolescence. « Tout se passe comme si rien ne s’était passé. S’instaure alors une sorte d’hyperlatence prolongée, un rejet du corps plus ou moins affiché, ou subtilement perceptible… » [Ibid.]

Il y a donc bien un destin de la latence à l’adolescence, même si ce premier approfondissement nous conduit à postuler que l’attitude psychique la traduisant le mieux paraît être celle de l’anti-représentation. Car un bilan de l’adolescence sur ce que lui apporte l’adolescence paraît inévitable ; il se fait au regard de l’espoir auparavant suscité par l’idéal entrevu, ce qui peut susciter la réinstallation de processus psychiques propres à la latence lorsque la déception l’emporte trop longtemps.

Revenu ici à ce qui réapparaît de la latence durant l’adolescence, nous terminerons cette évocation en donnant une idée en lien avec notre matériel clinique : lors de cette apparition pubertaire, la rencontre de la violence familiale renforce ces mouvements de retour à ces modalités latencielles.

Avançons maintenant sur les questions liées à la pulsion et à sa décharge durant la latence. Nous étaierons ainsi une partie de notre hypothèse qui veut retrouver dans certaines attitudes adolescentes des fonctionnements de type latenciel.