g - LES DIFFERENTS MODES DE DECHARGE DURANT CETTE PERIODE

Concept limite entre le somatique et le psychique, la notion de pulsion renvoie chez FREUD à celle d’excitation. Que cette excitation pulsionnelle soit décrite comme venant « de l’intérieur de l’organisme lui-même » [1915, p14], et FREUD observe qu’il n’est pas possible d’utiliser la fuite pour s’en protéger. Nous ne reviendrons pas sur la problématique pulsionnelle de l’enfant de zéro à six ans, sauf pour dire que l’organisation œdipienne peut être considérée comme un moment de l’évolution permettant d’affronter la dynamique instinctuelle antérieure avec moins d’angoisse ou de débordements de toute-puissance.

Toutefois le renoncement au projet œdipien n’a-t-il été que partiel à l’orée de la latence, car ce n’est pas brusquement que l’enfant accepte de se détacher des objets incestueux. La période de latence apparaît alors, face aux tensions pulsionnelles, comme une phase de consolidation de l’économie défensive issue du complexe de castration. Nous noterons le mouvement le plus universel en la matière : l’expérimentation du refoulement, « qui est l’activité propre de la période de latence, nécessaire pour que s’instaurent les activités du Moi. » [D. DIATKINE, J. SIMON, 1979, p335]

La latence est donc une « période au cours de laquelle sont suspendus les investissements sexualisés des images parentales » [F. MARTY, 1999, p106], l’enfant présentant alors la tendance à inhiber sa propension antérieure à la sexualisation. Rappelons toutefois que cette dernière a été nécessaire à l’investissement de l’objet dans le cadre des processus primaires, et qu’il s’agit bien d’un acquis de la phase phallique que la latence ne remet en cause que « secondairement », et sur fond d’une libidinalisation qui reste la marque de l’activité pulsionnelle.

Nous pouvons voir dans ce qui précède que la latence revêt ainsi une véritable fonction anti-traumatique pour l’enfant face à ses exigences pulsionnelles, qui le mettent aux prises avec un retour toujours possible de ses fantasmes incestueux. D’ailleurs P. DENIS rappelle, au sujet de la latence, que « le détachement insuffisant des objets incestueux aboutit à faire de tout objet amoureux de la vie réelle un objet incestueux » [1979, p287].

Sur un plan dynamique, il faut observer que l’enfant est servi dans cette intention par un état physiologique peu évolutif. L’image de l’enfant asexué, petit angelot sans caractères de différenciation sexuelle marqués, va dans le sens de ce mouvement d’occultation. Les effets s’en font d’ailleurs sentir sur le plan des comportements. Car si l’approche de la puberté tend de plus en plus à modifier cet état de fait, il reste que la latence débute par un renversement massif des problématiques anale et exhibitionniste, comme FREUD, que nous citions page 50, le montrait clairement à propos de l’expression du dégoût et de la pudeur.

L’environnement de scolarisation de l’enfant n’est pas en reste à ce sujet, lequel pousse à cette intellectualité déjà évoquée ici et qui vient servir ce projet anti-pulsionnel. Les activités de l’école primaire, qui profitent du reflux de l’expression instinctuelle, tirent l’enfant «vers le haut», c’est-à-dire vers des activités nobles favorisant ses efforts de mise en représentation mentale.

Toutefois la pulsion ne se laisse pas contenir de manière aussi complète, quelques expressions pulsionnelles s’observant bien durant toute cette période, et nous rappelions il y a quelques lignes que c’est seulement en partie que la latence réussit un tel projet défensif. Et si ce que nous venons d’évoquer peut se ramener à la sublimation, dont C. LE GUEN dit qu’elle consiste à « « faire voler en éclats » les termes du conflit et [qu’elle] n’a plus à en tenir compte pour se déployer » [1986, p222], il reste que l’expression instinctuelle donne lieu parallèlement à une expression plus directe, prise dans une certaine activité fantasmatique, et dont nous souhaitons rendre compte maintenant.