b - Philippe JEAMMET : l’ « espace psychique élargi »

C’est à ce mouvement d’extériorisation que nous ramènerons la conceptualisation de P. JEAMMET concernant le rôle du milieu environnant dans la situation de l’adolescent aux prises avec sa conflictualité, aussi bien avec le monde externe que dans son propre appareil psychique. C’est la notion d’ « espace psychique élargi » qui apparaît ici, les sollicitations réciproques entre adolescent et milieu environnant, notamment la famille, conduisant cet entourage « à servir de support aux projections et même de suppléance à des fonctions et des instances de la psyché de l’adolescent » [1980b, p498].

De ce fait P. JEAMMET accorde une grande importance à la dynamique des objets et des représentations d’objet à l’adolescence, ce qui s’avère essentiel pour notre thème de recherche concernant des attaques répétées de la part de ce milieu environnant sur le corps et la psyché de l’adolescente.

Ce point de vue amène par exemple à se représenter le rapport de certains adolescents à l’environnement comme un rapport de dépendance à l’égard de l’objet externe, pouvant alors « servir de contenant sporadique à son appareil psychique, lui évitant une tension interne trop grande, rappelant par là, toute proportion gardée, le rôle joué par la mère pour son enfant pendant les deux premières années de sa vie. Ce sera à l’adulte de « traiter » les projections de l’adolescent pour les lui renvoyer, élaborées, nuancées et plus tolérables. Face à la véhémence de l’adolescent pour affirmer le caractère de réalité de telles projections, se protégeant ainsi d’un contact « traumatique » avec son monde interne, l’adulte a un rôle difficile à tenir, car il est pris entre deux risques : celui de refuser toute projection, ce qui peut avoir valeur d’interprétation sauvage traumatique, ou celui de renforcer par son attitude le caractère de réalité externe des projections. » [op. cit., p492] Cette dépendance peut être dépendance à un surmoi projeté, lorsque l’adolescent attend de l’adulte qu’il donne la limite et les punitions, aussitôt contestées en tant qu’empêchement et injustices du monde extérieur.

Dans ce prolongement, P. JEAMMET décrit le paradoxe de la situation de l’adolescent dans le maniement de ses mouvements narcissiques et objectaux (nous retrouvons là la dialectique) : « Son paradoxe pourrait se formuler de la façon suivante : ce dont j’ai besoin (à savoir l’autre), parce que j’en ai besoin et à la mesure même de l’intensité de ce besoin, c’est ce qui menace mon autonomie naissante. » [1990, p22] La difficulté pour l’adolescent de penser ce paradoxe peut l’amener à des solutions anti-élaboratives, comme le passage à l’acte ou la somatisation, induisant un processus de « dé-différenciation de l’organisation mentale », que P. JEAMMET renvoie au registre de l’archaïque, défini comme le moment où « le désir, son objet et le moi se confondent. » [op. cit., p23]