Puis nous choisissons de présenter l’approche métapsychologique de F. LADAME 15 , intéressante pour notre recherche par sa description de l’adolescent au carrefour de deux voies possibles pour le destin des excitations psychiques résultant de la puberté : la voie directe, vers le pôle moteur, et la voie régressive, vers le pôle sensoriel 16 . Ici, on observera que la théorie refait une place à la discontinuité psychique en insistant sur ce que l’expérience pubertaire présente de radicalement autre pour le sujet.
Après avoir rappelé que l’inceste est au cœur de l’adolescence, F. LADAME écrit que cette période a pour objectif de se débarrasser des tendances incestueuses, lesquelles s’attachent, du côté de la motricité, à la décharge (motrice), et à l’exclusion de l’action référée, elle, à l’orgasme : « La voie directe implique une activité motrice. Celle-ci peut se manifester sous la forme d’une action ou sous la forme d’une décharge (…). Je rapporte action et décharge motrice à des modèles, qui seraient l’orgasme pour l’une, l’inceste pour l’autre. » [1991, p104]
Cette notion d’orgasme, F. LADAME la reprend en disant qu’il la considère dans son exposition comme une métaphore, même si l’idée du plaisir sexuel peut à un moment très concret signifier une relation avec un autre pour le sujet 17 . L’orgasme représenterait alors la véritable relation d’objet à construire à l’adolescence, ce qui suppose de sortir de l’auto-érotisme des désirs incestueux et parricide. C’est pourquoi l’alternative proposée par le titre du rapport de F. LADAME concerne précisément les fonctions transformationnelles de l’appareil psychique à l’adolescence, ces deux voies permettant de sortir de la seule décharge motrice, trop soumise à l’influence du principe de plaisir.
Le rêve « constitue ainsi la solution économico-dynamique à la disposition de la psyché humaine pour répondre à la nécessité de venir à bout du complexe d’Œdipe, plus précisément pour répondre à l’exigence de trouver à l’adolescence une issue à la tentation incestueuse et parricide. » [op. cit., pp109-110] F. LADAME ajoute que ce « travail du rêve » est en outre alimenté par les rêveries et fantaisies diurnes adolescentes, qui apparaissent « comme le prototype des fantaisies nocturnes qui deviennent conscientes sous la forme de rêves. » [op. cit., p111]
L’autre voie possible serait donc l’action. A l’inverse de la décharge à laquelle s’attache la notion de compulsion, l’action n’est accessible pour le sujet que dans l’engagement d’un travail spécifique en direction du surmoi au moment de l’adolescence. Or si F. LADAME s’intéresse spécifiquement à « l’aventure de la sexualité », justifiant sa métaphore de l’orgasme pour cette voie transformationnelle précise, son propos pourrait s’appliquer avec pertinence à l’ensemble des activités adolescentes pour y saisir la nature et la fonction de l’objet dans l’économie psychique des sujets. Toute attitude active peut-elle se lire à l’aune de la décharge ou de l’action, qualifiant en cela la présence de l’incestueux et/ou de la triangulation à un moment ponctuel d’une structuration juvénile ?
Enfin notons que F. LADAME situe dans des continuums ces différents mouvements « le long des deux séries d’opposés prégénitalité/génitalité et auto-érotisme/complémentarité… » [op. cit., p106], soulignant que la puberté, en rappelant l’appartenance à un seul sexe, touche à l’omnipotence phallique de l’enfant.
in F. LADAME, 1991, "Adolescence entre rêve et action".
Ce que F. LADAME réfère au chapitre VII de "L’interprétation des rêves", FREUD (S), 1900.
La question de la masturbation vient évidemment ici compliquer cette conceptualisation. Toutefois l’aspect strictement auto-érotique est-il à interroger pour la pratique onanistique adolescente, et F. LADAME avance à ce sujet que celle-ci peut recouvrir une fonction d’ « action d’essai » dans une perspective de relation objectale et de liaison des pulsions agressives et libidinales. « Pour la masturbation, la seule question importante - dès l’entrée dans l’adolescence, pour la fille comme pour la garçon - est de savoir à qui appartient la main qui donne le plaisir. » [op. cit. note 21, p116].