f - Moses LAUFER : « the breakdown » (la cassure)

M. LAUFER fonde son point de vue sur la première phrase du chapitre de FREUD consacré aux transformations de la puberté, lorsque celui-ci écrit : « Avec le commencement de la puberté apparaissent des transformations qui amèneront la vie sexuelle infantile à sa forme définitive et normale. » [S. FREUD, 1905a, p111] M. LAUFER donne alors à l’adolescence (qu’il situe de 12-13 ans à 21 ans) un rôle d’intégration de l’identité sexuelle irréversible. Cette intégration de « l’image du corps physiquement mûr en tant que partie de la représentation que chacun se fait de lui-même » [1981, p410], ou des « diverses images antérieures du garçon ou de la fille à la capacité inconsciente d’être capable d’assumer à la fin de l’adolescence ses propres pensées, sentiments, désirs et actions » [1983a, pp15-16], M. LAUFER la réfère à « la capacité d’assumer la possession de son propre corps. » [op. cit., p16]

Le trouble en ce domaine se présente comme le rejet de « l’intégration d’une nouvelle image d’eux-mêmes comme individus sexués, homme ou femme » [1983b, p64] « Ces adolescents sont hantés par les créations de leur esprit. Ils ont l’impression que c’est leur corps sexuel qui les force à avoir des pensées ou des désirs fous ou pervers et que c’est leur corps qui les oblige à vivre certains fantasmes d’une façon prédéterminée et incontrôlable. » [1983a, p16]

Parmi ces fantasmes qui sont pour M. LAUFER de bons révélateurs de l’état du travail d’intégration de l’identité sexuelle, le « fantasme masturbatoire central » occupe une place prépondérante. Précisons que c’est à nouveau sur un propos de FREUD que M. LAUFER s’appuie à ce sujet. Dans un article de 1905 sur l’étiologie des névroses, FREUD reprend son tournant théorique de 1896 (passage d’une théorie du trauma à une théorie du fantasme) et ajoute qu’entre symptômes hystériques et réminiscences infantiles s’insèrent « les fantasmes des malades (fictions mnésiques) - la plupart du temps produits dans les années de puberté… » [1905b, p117]

Ce fantasme masturbatoire central, « dont le contenu renferme les différentes satisfactions régressives et les principales identifications sexuelles (…) est un phénomène universel, et en lui-même n’a rien à voir avec la pathologie. Mais c’est seulement à l’adolescence qu’il s’intègre à l’image du corps sexué, portant avec lui aussi l’orientation des relations sexuelles et des satisfactions de la personne. » [1981, p412] M. LAUFER, qui préfère au terme de pathologie celui de « cassure » (« breakdown ») dans le développement, donne notamment à ce fantasme une place prépondérante dans cette installation des difficultés adolescentes, ce qui justifierait que seul un dispositif mettant en jeu un transfert psychanalytique soit pertinent pour traiter ces adolescents : « un aspect critique de la névrose de transfert se manifeste dans la nécessité qu’a l’adolescent d’essayer de contraindre l’analyste à participer à sa pathologie sexuelle - en amenant l’analyste à prendre en charge les actions et les fantasmes de l’adolescent, en réclamant de la part de l’analyste une séduction sexuelle de l’adolescent, ou en se présentant lui-même comme incapable sur le plan sexuel et social. » [op. cit., p413] Que l’analyste ne considère pas seulement le matériel clinique présenté par l’adolescent à la lueur des expériences préœdipiennes, et que l’adolescent comprenne le sens actuel de sa relation perturbée à son propre corps génitalisé sont les deux objectifs que M. LAUFER propose à travers son approche du « breakdown » à l’adolescence.