c - LES COMPOSANTES SEXUELLES DE LA VIOLENCE

La menace de recevoir hante les souvenirs et les craintes des adolescentes frappées : "Si j’te croise en ville tu vas voir ce que tu vas recevoir… !!" "Walou c’que j’ai reçu en rentrant hier, moi…!!" Mais la polysémie du terme "recevoir" ne pose-t-elle pas à sa façon la question de savoir ce qui est en jeu dans les fantasmes de chacun lors de ces menaces ou de ces scènes de violence ? Car si ce « recevoir » suppose a minima une « réceptivité », et si la féminité engagée dans cette violence familiale l’est au titre de ce recevoir-là, alors nous devons garder à l’esprit tout au long de ces pages que la réceptivité féminine est, dans certaines organisations familiales, un objet de violence davantage qu’une composante d’évolution psychosexuelle.

De façon plus large d’ailleurs, un lien entre violence et sexualité peut être fait ici. Citons FREUD qui dans certains textes évoque au sujet des représentations infantiles la prééminence d’une conception agressive des relations sexuelles. L’enfant « conçoit le rapport des sexes comme un acte d’hostilité, une sorte de domination violente » [1904, p56], dans laquelle le père commet régulièrement « une nouvelle agression contre la mère. » [1908b, p24] D’ailleurs « lorsque de jeunes enfants sont témoins des rapports de leurs parents (…), ils ne manqueront pas d’interpréter l’acte sexuel comme une espèce de mauvais traitement, ou d’abus de force » [1905a, p93].

Puis c’est à l’inverse le rappel d’une conception érotisée d’une relation d’agression qui peut convenir ici, autre variante, articulation inverse. Nous la trouvons chez FREUD dès 1905, lorsqu’il relie fessée et renforcement des pulsions partielles : « Une des origines érogènes de la tendance passive à la cruauté (masochisme) est l’excitation douloureuse de la région fessière, phénomène bien connu depuis les Confessions de J.-J. ROUSSEAU » [1905a, p90], puis lorsqu’il interroge le fantasme « un enfant est battu » dès lors que cette représentation suscite des sentiments de plaisir infantile, faisant rejoindre au petit fantaste une position de voyeur sadique.

Ces premiers éléments nous amènent à faire le constat que notre problématique se déploie à partir d’une réalité intersubjective, qui semble d’abord mettre en jeu les processus paternels, ou masculins, ou parentaux, initiant la violence sur ces jeunes filles. Nous devons toutefois rappeler que ces attitudes apparaissent en réalité comme les résultats de la rencontre de ces pères avec la féminité naissante de leurs adolescentes, ce qui justifie qu’après cette introduction qui voulait décrire le contexte intrafamilial de ces questions de maltraitance, nous avancions maintenant sur ce qui est jeu dans la féminité. Notre matériel clinique reprendra après cette partie théorique cette perspective intersubjective.