f - M. KLEIN ET LA RECEPTIVITE FEMININE

Mais les travaux de FREUD ont été interrogés dans cette conception de la féminité, M. KLEIN (et son école) puis E. JONES considérant que la fille était dès les premiers mois féminine, et dans un désir du pénis paternel. Evoquant cette « phase phallique » mentionnée par FREUD, M. KLEIN la situe, elle, comme un mouvement défensif face à l’angoisse engendrée par la rivalité œdipienne avec la mère. Mais il faut rappeler ici que cette conceptualisation n’a de sens que si l’on admet que « … les premières étapes du conflit œdipien et de la formation du surmoi s’étendent, grosso modo, du milieu de la première année jusqu’à la troisième année. » [1932b, p137]

Nous lisons alors que dès la fin de la première année, « les tendances œdipiennes de la fille s’ébauchent sous la forme d’une convoitise orale, qu’accompagnent déjà des pulsions génitales, du pénis de son père. Son désir de prendre à sa mère le pénis paternel pour se l’incorporer me paraît d’une importance fondamentale dans le développement de sa vie sexuelle. » [1932c, p210] Puis tous les registres pulsionnels sont investis dès cet âge pour M. KLEIN, oralité, analité, urétralité s’ajoutant à la génitalité présente dans cette situation, et dans un contexte où les fantasmes sadiques infantiles mettent en scène d’innombrables attaques et anéantissement réciproques, portant aussi bien sur l’intérieur que l’extérieur du corps de chacun.

Concernant la féminité, M. KLEIN met ainsi en avant l’oralité et l’analité comme autres modèles de la réceptivité. Toutefois à la suite de l’Œdipe précoce, c’est la complémentarité sexuelle elle-même qui semble présente pour cet auteur dans les fantasmes de la petite fille : « Même si elle assimile, sous l’action dominante de ses pulsions orales et anales, le vagin à la bouche et à l’anus, elle le conçoit, (…) comme une cavité de la région génitale destinée à recevoir le pénis du père. » [op. cit., p224]

M. KLEIN développe ici l’idée d’une réceptivité primaire chez la petite fille, laquelle investirait l’intérieur de son corps comme pouvant accueillir et conserver toutes sortes d’objets bons ou mauvais, appartenant notamment au père, celui-ci déjà repéré comme masculin par la petite fille.

Ce qui se présente comme contemporain du travail de détachement de la fille vis-à-vis de sa mère conduit M. TOROK à avancer que « l’ « envie du pénis » apparaît alors comme une revendication déguisée - non pas de l’organe et des attributs de l’autre sexe - mais de ses propres désirs de maturation et d’auto-élaboration à la faveur de la rencontre de soi dans la conjonction des expériences orgastique et identificatoire. » [1964, p213] Ici ce point de vue remet l’ « envie du pénis » dans une perspective de conflit prégénital, et en décrit la fonction défensive face aux angoisses suscitées par des tensions fusionnelles beaucoup plus archaïques.

C’est aussi ce que soutient J. CHASSEGUET-SMIRGEL lorsqu’elle écrit que « L’envie du pénis n’est au fond que l’expression symbolique d’un autre désir. La femme ne veut pas être un homme mais se dégager de sa mère en étant complète, autonome, femme. » [1964, p182] Ce point de vue nous amène à dire que pour M. KLEIN et son école, le désir d’enfant vient avant l’envie du pénis.

Ainsi pour le même courant, l’adolescence féminine est l’occasion de retrouver les « rêveries et les phantasmes masochiques » [C-J. LUQUET-PARAT, 1964, p134] qui remettent précisément en jeu les angoisses œdipiennes précoces ou leurs traces résiduelles. On observe alors que « … la fille reprend d’une manière régressive et défensive une position active, (…) une revendication du pénis, le pénis est désiré pour soi, il s’agit de l’avoir pour ne pas être pénétrée. » [op. cit., p135] Mais avoir un enfant peut aussi représenter cette position active, à travers une possession défensive que nombre d’adolescentes mettent d’ailleurs en jeu dans la réalité.