g - FEMINITE ET PASSIVITE

Cette idée de position active est ici surdéterminée. Le débat sur la féminité implique couramment que soit évoquée l’alternative activité/passivité, chaque auteur mettant quelque soin à se dégager d’une position caricaturale dans laquelle à l’homme « actif » correspondrait l’image d’une femme « passive », exclusivement tournée vers l’intériorité (utérine, domestique) 19 . Dans son article de 1933 sur « la féminité », FREUD s’emploie dès les premières pages à référer à l’anatomie cette représentation. Mais plutôt que de décrire la féminité comme une orientation vers la passivité des tendances objectales auparavant actives, FREUD préfère la définir comme une recherche active de passivité : « … la féminité se caractérise, au sens psychologique, par un penchant vers des buts passifs, ce qui n’est pas la même chose que de parler de passivité. » [1933, p151]

Il serait possible dire que FREUD réintroduit ainsi l’activité et l’intention dans la réceptivité, ayant soin ainsi de différencier cette dernière de la seule notion de passivité. D’ailleurs son écrit le montre prudent à ce sujet en raison du déterminisme social : « Gardons-nous cependant de sous-estimer l’influence de l’organisation sociale qui,elle aussi, tend à placer la femme dans des situations passives. » [op. cit., p152] Toutefois J. COURNUT rappelle à ce sujet que « la passivité n’est pas déshonorante ; on peut la considérer comme une activité réceptrice, mais, plus profondément, quand elle est une vraie passivité, elle permet un certain nombre de bénéfices en forme de gains de plaisir » [1998, p399].

Notons d’ailleurs que la conceptualisation de FREUD sur cette question de la féminité prenait appui sur la réalité anatomique (l’absence de pénis chez la femme) dès 1925, délaissant alors les termes utilisés dans son article « Un enfant est battu » (1919), lequel privilégiait encore une conception dans laquelle le fantasme de fustigation de la fillette entraînait un complexe d’Œdipe féminin moins infériorisé par rapport au garçon. S. FAURE-PRAGIER fait l’hypothèse que ce changement de point de vue chez FREUD est à attribuer aux conséquences de l’analyse qu’il conduit avec sa fille Anna de 1918 à 1922. Ce travail, qui lui fait entendre chez sa fille une lutte laborieuse contre ses sentiments œdipiens, ne semble pas modifier ses positions de père. « L’amour excessif de Freud pour Anna ne semble pas le culpabiliser. Bien au contraire, il exprime son désir de la garder toujours avec lui. » [1999, p47] Soucieux de parer à toute responsabilité dans la constance des sentiments œdipiens d’Anna, FREUD semble trouver « une solution par la théorie. L’anatomie est devenue la responsable. Freud innocente le père qu’il fût et absout alors tous les pères. Prendre la mesure de la force des sentiments œdipiens non résolus chez sa fille paraît avoir un lien chez Freud avec la brusque prise en compte de « la différence anatomique entre les sexes » qui apparaît comme une défense opportune. »[op. cit., p48] 20

Notes
19.

Sauf peut-être H. DEUTSCH lorsqu’elle définit ainsi l’activité de la femme : « Son activité ayant un caractère maternel, elle est destinée, si les conditions sociales s’y prêtent, à avoir de nombreux enfants, ou à se consacrer à des activités de remplacement. » (1945b, p243).

20.

C’est elle qui souligne (toutes les citations ultérieures comportant un soulignement le doivent à son ou ses auteurs).