i - LA RECEPTIVITE VAGINALE

Notons alors les conséquences théoriques d’une telle représentation sur l’accueil par l’adolescente de ses premières relations érotiques, laquelle conjuguerait alors attente et ouverture par l’objet. Anticipons quelque peu sur notre recherche en disant que les adolescentes évoquées ici trouvent des réponses plus complexes à cette question de la réceptivité, mêlant alors à ces premières notions la violence effractive, les fantasmes incestueux ou le masochisme comme solution.

L’approfondissement de cette question pourrait d’ailleurs nous amener – mais cette recherche n’en est pas le lieu – à interroger la réceptivité du garçon, si l’on admet avec M. KLEIN que c’est « sous l’action dominante de ses pulsions orales et anales » 21 que la réceptivité de la fille se met en place.

Car pourquoi exclure de la problématique de celui-ci des fantasmes d’intériorité corporelle liés aux expériences de pénétration/expulsion étayées sur ses propres besoins primaires ? Comment différencier les représentations de la réceptivité féminine et masculine, et ceci chez le garçon et chez la fille, voire chez l’homme et chez la femme qu’ils deviendront ?

On pourrait répondre que c’est par le fait que le vagin n’est pas simplement un réceptacle de plus, troisième terme d’une trilogie comprenant d’abord la bouche et l’anus. C’est que la fille « le conçoit,(…) comme une cavité de la région génitale destinée à recevoir le pénis du père. » 22

D’ailleurs cette reprise du propos de M. KLEIN nous amène à souligner que sa théorie de la féminité intègre dès la première année de la vie une représentation de la complémentarité sexuelle (dont il faudrait d’ailleurs trouver l’équivalent chez le garçon). Or si le vagin peut bien se présenter chez la petite fille comme une cavité source de plaisir, peut-on pour autant en conclure qu’il détermine alors le pénis comme un objet adéquat, excluant en cela tout autre représentation d’objet pénétrant ? C’est la distinction que propose P. GUTTON à ce sujet : « l’érogénéité du vagin au premier âge marque une différenciation sexuelle de genre, non pour autant un couple complémentaire avec le pénis tel que j’en parle à la puberté. » [1983, p205] Ici, l’idée de la différence des genres s’oppose, en la précédant sur le plan de l’évolution, à celle de la différence des sexes, laquelle implique d’avoir déjà intégré la question du désir. Or c’est précisément parce que l’enfant se demande « ce que ça veut dire » [O. MANNONI, 1969, p61] que cette différence des genres qu’il est prêt à entrer, vers deux ou trois ans, dans une représentation « virilité/féminité » qui succède au couple « masculin/féminin » ayant cours au premier âge, et entrer ainsi dans une représentation de la différence des sexes.

Peut-être peut-on penser que le vagin n’est pas ignoré par la petite fille dans ses perceptions internes (et pourquoi serait-il ressenti identiquement par toutes les fillettes ?), ce fait n’excluant pas la sexualité clitoridienne. D’ailleurs n’est-ce pas dans cette hypothèse sa représentativité qui poserait davantage question ? Enfin ajoutons que c’est ce que la mère transmet à son enfant de son insatisfaction ou de son épanouissement au sujet de la naissance d’une petite fille, et aussi bien de sa propre féminité vaginale et utérine, qui pourrait avoir plus d’importance encore dans l’élaboration de ces expériences corporelles.

Pour le garçon, nous pourrions dire alors qu’il est davantage en situation de construire des « théories sexuelles infantiles » dans lesquelles la réceptivité est d’abord anale. Ce dernier point entre en outre dans la construction œdipienne du garçon au titre de la passivation homosexuelle en direction du père, et des fantasmes de castration qui occupent cette même période.

Nous devons toutefois dire qu’au-delà de ces questions de découverte et de réceptivité vaginales, c’est la dimension de l’enfantement, au sens le plus large, qui est présente dans cette construction de la féminité. « C’est (…) dans cette relation précoce à la mère, pensons-nous, que la féminité va se transmettre de mères en filles, féminité liée à l’envie d’enfanter - ce qui est un tout autre choix que d’être mère ; c’est sans doute pourquoi nous retrouvons ce modèle universel de faire vivre, d’enfanter, dans le désir que peuvent éprouver hommes et femmes de créer une œuvre, quelle qu’elle soit, œuvre d’art, découverte scientifique ou autre. » [A. LE GUEN, 2001, p50]

Notes
21.

cf. notre citation de M. KLEIN, page 54.

22.

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