j - ANGOISSE DE CASTRATION ET LIMITE DE LA RECEPTIVITE

Reprenons en disant, sur un plan différentiel, que tous les enfants présentent initialement des manifestations et satisfactions pulsionnelles mettant en jeu des transitions entre l’absorption et l’éjection, la rétention et l’expulsion, la pénétration et la fermeture, avec en toile de fond cette question de la créativité. Bien sûr, filles et garçons font avec leurs propres réalités corporelles, mais aussi avec les attitudes parentales de surgissement ou de réceptivité qui mettent préalablement en forme les mouvements pulsionnels de l’enfant.

FREUD dit que « chaque individu présente un mélange de caractères génitaux propres à son sexe et de caractères propres au sexe opposé, de même qu’un mélange d’éléments actifs et passifs, que ces éléments d’ordre psychique dépendent ou non des caractères biologiques. » [1905a, note76, p185] C’est lors de son entrée dans l’Œdipe que la fille inscrit dans ses attitudes actives autre chose que l’expulsion ou le jaillissement masculins. Cette réceptivité-là, organisée autour du fantasme d’introjection du pénis paternel, suppose des mouvements historiquement datés, et par l’assomption de la différence des sexes, et par la rivalité à la mère œdipienne.

Mais les angoisses filiales d’une rétorsion maternelle permettent de comprendre le destin de cette réceptivité : au moment même de leur élaboration, c’est le refoulement des premières représentations d’un vagin pénétrable qui s’observe chez la fillette, dans le contexte d’une forte angoisse de castration liée à cette rivalité à la mère. L’aspect positif de cette angoisse est qu’elle donne une limite aux représentations infantiles de pénétration vaginale, et, plus précisément de réceptivité féminine.

Car si la nature de l’éprouvé d’un espace interne comme le vagin reste assez énigmatique au sujet de la petite enfance, l’idée que de façon précoce la réceptivité et les fantasmes qui y ont trait doivent être métabolisés par une intervention extérieure en est une autre.

Car comment imaginer une médiation qui métaboliserait l’ouverture et la réceptivité féminines et quels en seraient les modèles ? Apparaît d’abord l’idée de la castration orale, comme un renoncement au cannibalisme et sous la forme du sevrage - « sevrage du corps à corps » [1984, p102], selon l’expression de F. DOLTO -. Puis la limitation de l’érotisme anal pourrait être mise en évidence, à travers l’intervention de la mère anale qui « ne fait pas que combattre la rétention. En d’autres circonstances, elle l’exhorte, elle l’impose. » [C. TERNYNCK, 2000, p17]

Mais la question que nous posons ici est notamment celle de la protection contre les risques d’effraction au moment même où la petite fille œdipienne se détourne de celle qui a jusqu’alors assuré cette protection. A ce sujet la féminité, nous rappelle FREUD, s’acquiert dans un mouvement qui comporte une grande part d’hostilité en direction de la mère : « l’attachement à la mère se transforme en haine. » [1933, p159]

Ici le modèle devient plus flou, et doit se définir dans l’ambivalence. En effet, la continuité des organisations pulsionnelles amène à observer une « … équivalence entre l’oralité et la génitalité qui poursuivent le même but pulsionnel d’intromission, d’incorporation, de mise à l’intérieur de soi et qui risquent de cumuler leurs potentialités effractives » [C. TERNYNCK, op. cit., p20], ainsi que le fait que la mère anale apprend à sa fille « à se contenir, à se retenir, à se prémunir à l’encontre des orifices corporels de toute souillure. (…)se forge ainsi toute une fantasmagorie du pur et de l’impur féminin ; s’imposent progressivement comme idéal sexuel, les figures de l’immaculé, du virginal… » [op. cit., p17]

Et c’est sur cette construction relationnelle que l’apparition des règles installe un enjeu de taille : « Sang qui coule égale excrétion : le saignement qui n’est pas dominable devient « preuve » de l’échec du contrôle sphinctérien. (…) L’habituelle participation maternelle dans les préceptes d’ « hygiène » personnelle n’est-elle pas l’écho des lointaines interactions mère-fille du temps de l’apprentissage sphinctérien ? » [F. LADAME, 1983, p230] Cette mère anale réintroduit ainsi à l’adolescence un échange - à propos du sang menstruel - qui renvoie à la question de l’autonomisation (qui gère la propreté ?), à la dé-narcissisation liée à l’éventuelle « honte du vagin » transmise par la mère, et à la nécessité de poursuivre le travail d’identification par l’introjection des caractéristiques, anales entre autres, de la féminité.

La féminité implique de ce fait pour être intégrée à cet âge l’absence et la présence de la mère. C’est pourquoi nous avancerons maintenant sur la question de ce qu’est un accompagnement maternel à l’adolescence…