l - UNE DUALITE D’IMAGES MATERNELLES A L’ADOLESCENCE

Et si la relation primaire, en raison de l’hostilité que nous avons mise en perspective dans les pages qui précèdent, peut être renvoyée à la question de la fusion, de la rivalité et du conflit, l’homosexualité secondaire organise ensuite, par le jeu identificatoire, une approche plus assurée de la féminité, dans des mouvements de recevoir de l’autre semblable les éléments constitutifs de la génitalité à assumer par rapport au caractère masculin.

Nous ne pensons pas seulement, en parlant de « caractère masculin » à ce qu’il en est de la rencontre avec l’autre sexe aux différentes étapes de la maturation infantile et adolescente, mais aussi de l’opportunité pour la fillette de revenir défensivement à une revendication phallique.

Il en est notamment ainsi dans le décours des processus de l’adolescence, qui font précisément réapparaître les modalités primaire et secondaire de l’homosexualité, dans la reprise narcissique et objectale occasionnée par le remaniement identificatoire de cet âge.

A l’adolescence, la mère est nécessaire comme repère féminin autant qu’elle est haïe comme rivale dans la conquête de la génitalité adulte. On peut se représenter un balancement, comme un va-et-vient entre deux représentations de la mère : celle qui a porté l’enfant et a représenté ensuite de manière primaire l’identité féminine, avec ses caractéristiques de réceptivité et d’activité-passivité (en tant que mère), et celle qui reçoit le pénis et l’amour du père, constituant ainsi un barrage dans le mouvement de séduction œdipienne (en tant que femme).

Dans ses aspects ainsi exposés, cette dualité comporte un double au-delà : son versant de maternité fait courir le risque narcissique d’une union homosexuelle dans laquelle l’attente de réceptivité vaginale serait frustrée, avec les fantasmes de la fille d’être manipulée comme un objet partiel, alors que son versant de féminité reste un modèle positif de traits identificatoires secondaires qui dit à cette adolescente que l’attente d’une génitalité adulte est réaliste.

Ainsi la mère a-t-elle pour fonction d’accompagner l’adolescente à l’accueil des caractéristiques de son sexe, et lui permettre ainsi d’élaborer sa propre position par rapport à la féminité, ce qui ne saurait se produire en dehors de la généalogie qui est la leur : « toute mère se trouverait engagée à transmettre à travers un certain nombre de messages, de repères identificatoires, d’indices de valeurs, sa propre conception et, à travers elle, celle que lui a transmis sa propre mère. » [C. TERNYNCK, op. cit., p10] On entendra ici qu’il s’agit d’une conception du féminin impliquant à la fois la question de l’introjection pulsionnelle et celle de la fermeture à cette même pulsionnalité. C’est par étapes qu’une telle dialectique se produit, entre déploiement et repli, euphorie et anxiété, dans les observations et les échanges qui mettent en jeu la féminité vaginale, a priori objet d’un refoulement imposé par la mère à la fille.

C’est pourquoi cette initiation nous paraît engager la question de la génitalité de façon contradictoire, puisque l’accompagnement qui y conduit reste produit dans un contexte relationnel homosexué. Et nous pouvons souligner l’importance de cette initiation en rappelant avec C. TERNINCK que « … le féminin se conquiert, à travers une filiation incessamment réorganisée, autant dans la vivance de l’homosexualité que dans la capacité à en faire le deuil. » [op. cit., p11] Notre passage ultérieur concernant le rôle du père dans cet accès à la féminité sera l’occasion de mieux définir cet accompagnement.