o - LE PERE EN QUESTION

Ce dernier élément nous amène à évoquer la relation au père dans l’accès à la féminité des filles. Son traitement dans la littérature psychanalytique peut donner d’emblée l’impression que le rôle paternel est quelque peu « maltraité » (si l’on peut dire dans cette recherche) au regard de ce qui est accordé à la mère dans l’évolution de la fille. Nombre de références ne mentionnent pas, en effet, ou si peu, le père dans l’histoire de l’accès juvénile à la féminité. L’évocation de sa fonction de tiers séparateur paraît suffisante à beaucoup d’auteurs, ce qui pourrait signifier l’absence de caractéristiques propres au père dans le cadre de relations autonomes à sa fille.

Or en raison même de notre argument de recherche nous avons la nécessité d’éclairer tous les aspects du rôle du père : la violence paternelle, ou masculine, et quel que soit celui ou celle qui la représente, peut être analysée comme un avatar d’une position masculine qui aiderait à la féminisation de l’adolescente, ou comme une contre-attitude face à ce que cette féminisation fait vivre au père de refoulé sur ses propres investissements du masculin et du féminin, et du couple activité/passivité.

Et si l’article de FREUD sur la sexualité féminine dit clairement que le père est un objet de remplacement pour la fillette dans le contexte de sa haine pour la mère et qu’il bénéficie surtout du « changement de sexe de la femme [auquel] doit correspondre un changement du sexe de l’objet » [1931, p142], il n’en reste pas moins vrai que ce « report » sur le père « forme bien le contenu principal du développement en femme. » [op. cit., p144] Ainsi d’après FREUD une part de la féminité appartiendrait bien en propre au père par ce qu’il mettrait en jeu de ses propres dimensions masculines, mais sans doute aussi féminines, la notion de bisexualité étant également à prendre en compte ici.

Pour autant cette relation ne nous semble pas pouvoir être exclue de la triangulation œdipienne ; elle intègre la mère dans ce que la fille peut vivre dans l’approche de cet objet paternel. Doit donc être défini ici un deuxième temps de l’accompagnement maternel à l’accueil des caractéristiques de la féminité, qui serait à articuler à ce que nous avons avancé dans notre page 59 et suivantes d’un premier registre d’homosexualité primaire de cet accompagnement : « L’enfant, identifié en large partie à sa mère, est ainsi « conduit » par elle, et par son identification en « double » avec elle, vers la découverte du père comme porteur d’une différence fondatrice d’un autre plaisir, d’un plaisir pris avec l’autre, dans la différence. » [R. ROUSSILLON, 2003, p193] Car c’est dans le contexte de la différence sexuelle qui sépare les parents tout en les unissant que cette « découverte du père », selon le terme de R. ROUSSILLON, prend une valeur symbolisante.