1 - 3 - 7 - Le traumatisme

a - L’ADOLESCENCE COMME GESTION D’UN APRES-COUP

La puberté peut-elle être considérée comme un traumatisme, la réactualisation d’éléments infantiles constituant un afflux d’excitations difficilement élaborables par le sujet ? « La puberté serait le dernier traumatisme que l’enfant aurait à subir. Elle est le plus important, celui qui reprend tous les autres ou éventuellement rend traumatique ce qui n’était que complexe imagoïque (théorie de l’après-coup). » [P. GUTTON, 1990, p359] Nous retrouvons cette notion d’ « après-coup » chez M. EMMANUELLI, qui évoque l’irruption pulsionnelle pubertaire comme un « second temps du traumatisme œdipien » [1994, p262]. Et si on observe alors une nécessité d’élaborer le traumatisme en le sublimant, il n’en reste pas moins que celui-ci fait dans cette conception partie intégrante du processus de l’adolescence.

Or nous devons bien séparer une vision générale de l’adolescence dans laquelle la puberté se présente comme une réactivation d’éléments originaires, à laquelle il est difficile de ne pas souscrire dans le cadre d’une conception diphasée de l’évolution psycho-sexuelle, vision que FREUD résume en disant que « tout adolescent recèle des traces mnémoniques qui ne deviennent compréhensibles qu’après l’apparition de ses propres sensations sexuelles » [1895a, p367], et une conceptualisation dans laquelle, par son effet effractant, cette réactivation constituerait un traumatisme.

Car ne court-on pas le risque de dénaturer la notion de traumatisme en l’appliquant à cette période de la vie, l’universalité de l’adolescence constituant a priori un argument inverse ? Dire que l’adolescence est traumatique conduirait d’une part à rechercher ce qu’il en est du traumatisme dans l’adolescence, d’autre part en quoi la vie adulte serait marquée par les « troubles durables dans l’utilisation de l’énergie », façon avec laquelle FREUD caractérise le trauma en 1916 [p257]. Or si nous pensons que la vie mature consiste bien à résoudre des questions qui se posent dès le moment de l’adolescence, l’âge adulte ne nous semble pas traversé dans la totalité des cas par la gestion post-adolescente d’un traumatisme pubertaire.

Il ne semble d’ailleurs pas que FREUD ait systématisé ce recours à la notion de traumatisme au sujet de l’adolescence elle-même. Le dernier chapitre des « Trois essais » ne fait pas précisément allusion à cet élément d’économie psychique, et c’est le travail de « soustraction à l’autorité des parents » qui recueille pour FREUD la qualification la plus douloureuse de cette période. Nous conserverons pour notre propre conceptualisation l’idée qu’une approche individuelle peut être faite à ce sujet : « certains faits agissent comme des traumatismes sur certaines constitutions tandis qu’ils demeurent sans effet sur d’autres. » [S. FREUD, 1939, p100]