b - LA CRISE DE L’ADOLESCENCE

C’est pourquoi nous privilégierons un point de vue plus ponctuel sur les impasses de l’adolescence. Un certain nombre de vécus psychiques adolescents nous semblent en effet relever de ce que P. JEAMMET définit comme constituant le cas général de la crise de l’adolescence. Nous avions déjà rappelé dans notre page 45 l’adhésion de cet auteur à l’idée que l’axe narcissique-objectal connaît une conflictualisation qui n’apparaît pas structurellement à d’autres âges. C’est sous la forme d’un paradoxe que cet aspect dynamique peut se conceptualiser, au sens où la sphère narcissique ne s’appuyant plus sur les relations objectales, les secteurs et activités transitionnels ne remplissent plus leur rôle d’articulation et de tampon. P. JEAMMET peut alors écrire qu’il y a « une violence possible de l’adolescence qui est liée de manière à mon avis très spécifique à un possible antagonisme entre ces deux ordres… » et que « les origines de la violence de l’adolescence proviennent non pas tant d’anomalies pulsionnelles mais beaucoup plus de la confrontation à des situations impensables du type de celle de ce paradoxe. » [1990, p22] Les « anomalies pulsionnelles » qui sont pour certains adolescents une source de traumatisme constitueraient alors des situations particulières, ne recouvrant pas la totalité de ce qui se donne comme mouvements impulsifs et anti-symbolisateurs juvéniles.

Il reste que ces éléments imposent de réfléchir à la question du narcissisme en tant qu’articulé aux relations objectales. L’adolescence nous montre que « le narcissisme n’est pas une donnée en soi, mais que c’est une construction, une résultante d’un équilibre qui à cette époque-là est toujours mis en question et que cet équilibre ne peut se comprendre que dialectiquement avec la relation d’objet et avec le besoin relationnel. » [Ibid.] Ajoutons que ce qui est spécifique à l’adolescence, c’est le fait que la modification de l’économie du narcissisme soit liée aux transformations du corps - celui-ci, répétons-le, considéré par l’adolescent comme un objet extérieur - et liée en outre à la mutation du rapport au sexe.

Nous pouvons considérer que des attitudes adolescentes spécifiques sont en lien avec cette reformulation subjective, sans que, répétons-le, le traumatisme soit une notion qui doive être convoquée dans chaque cas.

Mais ne retrouvons-nous pas ici un débat sur le normal et le pathologique à l’adolescence, qu’il est possible de conceptualiser en séparant crise d’adolescence (ou crise juvénile), et traumatisme (entraînant unecrise pathologique), celui-là notamment caractérisé par des difficultés d’établissement de la limite dedans/dehors ? Disons donc pour clore cette partie de la question qu’existe universellement et structurellement une expérience de crise à l’adolescence, qui implique une mise en échec relative d’un certain nombre d’éléments des organisations antérieures. Cette crise de l’adolescence entraîne ainsi la nécessité d’une réorganisation de l’œdipien résiduel.

Disons cela autrement : si cette crise se déploie à ce moment de la vie, elle n’est pas pour autant crise de l’adolescence à proprement parler, mais crise des organisations de la latence, induite par l’éclosion pubertaire, au moment de l’adolescence. Ce qui apparaît ensuite comme traumatisme, c’est l’échec de la possibilité d’élaborer cette crise. Notre matériel clinique nous semble de nature à illustrer certaines formes de cette impasse.