d - LA JOUISSANCE DE SOI APRES UN VECU D’EMPRISE

« Qui possède ce corps… ? » est l’expression qui nous paraîtrait convenir le mieux dans la situation de Naïma, prise entre des excès de sadisme de son frère, non contrôlés par les parents, et ses propres fantasmes et attitudes de séduction adolescentes. Les questions que nous avons posées jusque-là (au niveau du ça de cette adolescente) viennent se croiser avec des mouvements psychiques plus conscients chez elle, concernant la propriété de son corps et de savoir qui peut l’utiliser. Car si nous avons évoqué dans cette situation le désir de Naïma de faire vivre une excitation à l’autre - désir assez universel dans le processus d’identification sexuelle post-pubertaire - nous avons aussi observé que sa relation avec son frère l’amenait à se représenter la jouissance de celui-ci dans ces moments d’attaque, et ceci dans un contexte intersubjectif dans lequel le père donne son accord tacite à cette appropriation corporelle de la fille par le fils.

Cette notion de jouissance nous permet ainsi de croiser la problématique du risque de retour du fantasme incestueux inconscient à l’adolescence (que nous avons souligné tout au long de notre revue conceptuelle) avec le vécu d’emprise dont Naïma témoigne pour toutes ces années de violence familiale.

« Son frère jouit d’elle » : ce propos peut s’entendre dans deux acceptions qui traversent le même espace conflictuel de l’adolescence, là où se rencontrent droit et érotisation. Ainsi face à l’emprise d’un autre qui prétend jouir d’elle, Naïma quitte la scène familiale pour recouvrer la propriété d’elle-même.