g - UNE TRANSITION DANS CES PREMIERS COMMENTAIRES

Résumons ici ce que nous souhaitons mettre en lumière pour cette première situation : si les coups avaient à l’origine une fonction de réassurance, la mobilisation pulsionnelle et fantasmatique de l’adolescence leur donne secondairement une signification inconsciente qu’ils étaient précisément chargés d’éviter. Ce vécu corporel entre en résonance, en quelque sorte, avec un désir incestueux et donne une quasi-réalité à ce qui peut apparaître comme des passages à l’acte sexuels.

A partir de l’idée que « n’importe quelle solution est moins perturbante que le chaos » [E. RECHARDT, P. IKONEN, 1984, p64], nous dirons que le contexte incestuel de l’économie libidinale de la famille a été un premier chaos auquel les enfants ont tenté de répondre par une auto-administration de l’agressivité. Devenue source d’un autre chaos, cette dernière a trouvé chez Naïma une solution temporaire sous la forme de ses tentatives de suicide.

Nous retrouvons aussi dans ces attitudes le processus de retournement que nous avions évoqué supra page 94 à la suite de R. ROUSSILLON, qui le pointe au sujet des expériences traumatiques infantiles non élaborées. « Dans la liaison de type « masochique », grâce à la coexcitation libidinale, [cette expérience] est maîtrisée et retournée en expérience productrice de plaisir. » [1999b, p27] C’est du côté de l’« utilisation perverse de la sexualisation » [Ibid.] qu’il est possible de ranger les comportements de Naïma face aux coups secondairement érotisés. Si la volonté de maîtrise et une certaine excitation perverse apparaissent dans les affrontements de la fratrie ou les absorptions médicamenteuses de Naïma, il est également possible d’en observer les effets au niveau même des premiers entretiens relatés avec celle-ci.

Assez proche de ce retournement, la modalité de l’identification à l’agresseur pourrait aussi représenter une hypothèse constructive pour notre recherche. Nous la reprendrons de manière différentielle dans les cas ultérieurs, jusqu’à la problématiser dans notre chapitre de discussions des hypothèses. Pour cette première reproblématisation, soulignons seulement que les attitudes de Naïma rendent compte de ce processus dans lequel la « … métamorphose du sujet en objet redouté provoque une conversion de l’angoisse en agréable sentiment de sécurité. »[A. FREUD, 1946, p103]

Prolonger cette chronologie revient maintenant à évoquer le statut de la demande d’éloignement dans ces mouvements agressifs et/ou défensifs. Notre question est maintenant de comprendre quelle exigence supplémentaire a conduit Naïma à rompre la répétitivité de ses positions antérieures (agressivité et violence reçues, agies et retournées contre elle).