i - LA QUESTION DE LA FEMINITE

Cette évocation de la fonction de cette tante nous amène à reprendre ce qui a trait à la féminité chez Naïma, en remarquant d’abord que sa relation avec sa mère témoigne d’une forte rivalité œdipienne en lien avec un mode d’organisation familiale centrée sur le père. C’est ce qui semble produire chez Naïma un rapport assez distant avec sa mère, comme si une peur réciproque les conduisait à préférer se séparer ou s’ignorer ("Après que je l’ai tapée, on se parlait plus beaucoup, c’était mieux comme ça. De toute façon, elle comprend rien !"). Est-ce pour cela que l’intériorité ne semble guère investie par cette jeune fille ? En effet nous ne notons pas de représentations de maternité ou d’intérieur du corps dans ses propos, comme si ce que nous avons appelé la féminité-intériorité dans notre revue conceptuelle (supra page 88) n’était que peu élaborée par Naïma, ce que nous mettrons en lien avec ce qui vient d’être dit concernant la mère, en difficultés pour interdire qu’à l’inverse, la réceptivité soit trop investie par sa fille.

Dans le même mouvement conceptuel, notons que le père paraît souhaiter accompagner sa fille à une soumission ("Dans une famille, on doit se supporter"), dans la mesure où ce « devoir » consiste essentiellement pour Naïma à « supporter » la violence physique administrée par ses frères. La problématique d’ouverture/fermeture est ainsi activée par le père dans le sens de demander à sa fille de s’ouvrir aux agirs fraternels, en même temps que la famille se devrait d’être fermée aux départs de ses membres ou aux influences symbolisatrices de l’extérieur.

C’est pourquoi nous pouvons souligner que la féminité-réceptivité, dans un prolongement de notre conceptualisation, se réalise dans l’identification de Naïma à l’agresseur, identification entraînant tentatives de suicide et position de rivalité phallique. Ceci entraîne la masculinisation de Naïma davantage que sa féminisation car, à l’évidence, c’est d’une identification à l’aspect pénétrant et phallique des hommes de la famille dont il s’agit.

Nous pouvons avancer à ce sujet l’hypothèse que ce mouvement restrictif serait déterminé par le déni paternel de l’élément fondateur qu’est la différenciation sexuelle au niveau de sa propre identification. L’organisation familiale perverse ne donnerait pas à la mère la possibilité de « conduire » sa fille vers la découverte du père, comme la citation de notre page 64 reprenant les travaux de R. ROUSSILLON en donnait le modèle universel, même si cette mère n’est pas du tout absente du rapport de forces dans la famille.

La tante de Naïma joue ainsi un rôle de révélateur de cette problématique, montrant, à ce moment de l’adolescence de Naïma, la nécessité d’une figure maternelle dégagée de cette problématique familiale contrainte, en même temps qu’elle entraîne cette jeune fille à s’opposer au contexte familial induisant une violence fantasmatique perverse (niant la différence des sexes) par l’identification féminine qu’elle « propose ».